Qui veut la peau du Premier ministre polonais ?

Le pauvre Leszek Miller n'aura pas le loisir de goûter sereinement à l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne, à laquelle il a pourtant grandement contribué. En place depuis septembre 2001, il doit faire face ces dernières semaines à une vague de difficultés qui ne semble pas devoir se calmer.Dernier problème en date : les élections espagnoles. Ce social-démocrate n'a en effet aucune raison de se réjouir de la victoire du parti socialiste de l'autre côté des Pyrénées. Loin de là. Le gouvernement Aznar avait en effet été le plus ferme soutien de Leszek Miller dans son opposition à la Constitution européenne. L'Espagne était également proche des positions de la Pologne en termes de politique étrangère: les deux pays, présents militairement en Irak, soutenaient avec la même vigueur une alliance étroite avec Washington. L'axe Madrid-Varsovie se voulait ainsi un contrepoids à la position franco-allemande. Mais la nouvelle majorité arrivée au pouvoir à Madrid a la volonté de se rapprocher de Paris et de Berlin, tant sur le plan de la politique européenne que de la politique étrangère. Varsovie, du coup, risque, le 1er mai, de se retrouver bien seul dans l'Europe élargie. Dès lundi, Leszek Miller l'a reconnu en prévoyant de "sérieuses difficultés" pour son pays dans les mois qui viennent. Et ce "coup dur" s'ajoute pour le Premier ministre polonais à une ambiance déjà de plus en plus délicate à l'intérieur. Sa popularité est en effet au plus bas. Les derniers sondages ne donnent pas plus de 9% des voix à son parti, l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), si les élections avaient lieu actuellement. En 2001, le SLD avait récolté 41% des votes. Au centre de ces difficultés, les affaires de corruption qui ont touché l'entourage du Premier ministre, mais surtout les projets de réforme des Finances publiques. Ce plan, appelé Plan Hausner, est un passage obligé pour la Pologne dans le cadre de son adhésion à l'UE et, à plus long terme, à la zone euro. Il vise à réduire les dépenses de 11 milliards d'euros en trois ans, notamment dans la santé et les retraites. Au vu des chiffres, cette réforme s'impose : le déficit devrait dépasser l'objectif de Varsovie de 5,7% du PIB en 2004. Elle est pourtant très mal perçue et c'est bien elle qui mine la popularité de Leszek Miller.Du coup, on assiste à un étrange jeu de la part des partenaires et des opposants du Premier ministre. D'une part, évidemment, chacun veut se démarquer de lui. Le 24 février, le gouvernement avait perdu sa majorité à la Diète avec le départ du Parti Populaire de la coalition. Au sein même du SLD, Leszek Miller est de plus en plus contesté et certains ont même menacé de quitter le parti. Reste que, le 4 mars dernier, le SLD s'est uni aux deux principaux partis d'opposition, les conservateurs de la Plate-Forme civique (PO) et les libéraux de l'Union pour la liberté (UW) pour voter, comme un seul homme, le plan Hausner. Cet apparent paradoxe montre en fait que les opposants au Premier ministre souhaitent que ce dernier endosse l'impopularité des réformes nécessaires, mais douloureuses. Histoire, pour eux, de rafler la mise lors du prochain scrutin sans avoir eu à prendre des décisions qui fâchent. Sauf que, à ce petit jeu, les dupes pourraient ne pas être ceux que l'on croit. Le parti populiste Samoobrona (Autodéfense) semble être le grand gagnant de ce petit jeu : les derniers sondages le créditent de 23% des voix (contre 10% en 2001), juste derrière la PO (29%). En jouant avec le feu, les partis traditionnels font donc les affaires du leader de Samoobrona, Andrzej Lepper. Ce dernier, qui n'hésite pas à être ouvertement grossier, voire outrancier, n'a aucun mal à fustiger la collusion de tous les partis et la corruption de tous les politiques. Très influencé par le Néerlandais Pim Fortuyn, Andrzej Lepper n'a pas de mots assez durs pour les réformes du gouvernement. En regroupant les déçus de Leszek Miller, mais aussi les dégoûtés des manoeuvres des opposants, Samoobrona a encore une belle marge de progression, ce qui est une vraie menace pour l'intégration de la Pologne.
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