La peur de l'élargissement gagne l'Est

Beaucoup à l'Ouest redoutent que l'élargissement provoque une vague de délocalisations vers l'Est ou (et) une immigration massive d'une main d'oeuvre bon marché. Mais cette crainte semble aussi se répandre de plus en plus parmi les nouveaux entrants. Pour preuve, le 10 février dernier, le gouvernement hongrois a évoqué l'idée de réclamer dès le 1er mai à Bruxelles le droit de limiter le nombre de travailleurs slovaques et polonais sur son territoire. Un droit qui, d'après le traité d'élargissement, est réservé, pendant sept ans, aux actuels pays membres. Mais pour Budapest, le différentiel de salaires entre ces pays et la Hongrie et les taux de chômage de plus de 15% en Pologne et en Slovaquie pourraient menacer le marché du travail local, une fois les frontières ouvertes. Cette péripétie s'ajoute à une série de différends qui inquiètent Prague et Budapest. Ainsi, les investissements étrangers semblent prendre de plus en plus le chemin de Bratislava. Après PSA à Trnava et Volkswagen à Bratislava, c'est sans doute Hyundai qui devrait, en mars prochain, choisir la Slovaquie pour son nouveau site de production. Le combat pour ce site, qui pourrait engendrer 700 millions d'euros d'investissements, a d'ailleurs fait l'objet d'un "concours de beauté" entre Slovaquie, Pologne, République tchèque et Hongrie. Mais ces deux derniers pays ont été évincés dès le mois de novembre dernier, faute de compétitivité. Le secret du "miracle slovaque" est simple. Longtemps en retard sur ses voisins, le pays s'est ouvert considérablement à partir de 1998, date de la chute du gouvernement nationaliste-autoritaire de Vladimir Meciar. Dès lors, la coalition libérale-conservatrice a organisé un "big-bang" économique en ouvrant grand les portes du pays. Une ouverture qui a eu lieu au moment où les salariés tchèques et hongrois réclamaient de toucher les fruits de cinq années de croissance. Aujourd'hui, l'avantage compétitif de la Slovaquie repose d'abord sur le niveau des salaires. En moyenne, un salarié de Bratislava touche 348,5 euros par mois, soit 27% de moins qu'à Prague ou Varsovie et 35% de moins qu'à Budapest. Ajoutez à cela un taux fiscal unique de 19%, l'abolition de l'impôt sur les dividendes et un droit du travail limité, et vous aurez un petit paradis des délocalisations bientôt niché au coeur d'une Europe sans frontières. De quoi faire frémir ses voisins qui craignent de voir les investissements étrangers leur passer sous le nez...Mais surtout, cette compétitivité accrue de la Slovaquie pourrait rouvrir des blessures encore fraîches. Certains estiment que Bratislava pourrait prendre des mesures de rétorsions contre les pays mettant des barrières à la libre circulation des hommes et des capitaux. Or, le différend avec Prague et surtout avec Budapest n'est pas seulement économique. 10% de la population slovaque est de langue magyare et la frontière entre les deux pays a fait l'objet de contestations juste après l'ère communiste. Des deux côtés du Danube, les nationalistes guettent la moindre occasion pour souffler sur les braises... Plus que jamais, réduire les écarts de développement apparaît comme un défi urgent pour l'Union.
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