L'énigme Medef

La vision patronale de la réforme de l'assurance maladie est, semble-t-il, de deux ordres. D'abord, près de trois ans après avoir retiré ses représentants des instances paritaires, en juin 2001, le Medef ne revendique aucun rôle actif. Loin de vouloir peser sur les contours de la nouvelle sécu, il est plus que jamais convaincu, selon les mots de son président Ernest-Antoine Seillière, de ne "pas avoir sur l'organisation d'un système de santé, une opinion particulière passionnante. Ce n'est pas notre métier, ce n'est pas notre compétence, ce n'est pas notre légitimité d'entrepreneur que de gérer un système de santé." Ensuite, "pas question d'augmenter les prélèvements pour la santé," comme le déclarait voici quelques jours à La Tribune le vice-président du Medef Guillaume Sarkozy.Outre que ces propositions sont quelque peu contradictoires - tout en n'étant "pas compétent", le patronat a un avis sur le financement de la sécu - , cette stratégie pose deux problèmes.En premier lieu, les organes de gestion de l'assurance maladie sont paritaires, et le demeurent avec ou sans la participation du patronat. Le Medef a d'ailleurs choisi de ne plus y siéger non pas parce qu'il contestait ce paritarisme et sa vocation à participer à la gestion de la sécu, mais précisément parce que le gouvernement avait selon lui dénaturé le paritarisme en prélevant sur les cotisations sociales pour financer les 35 heures. Le départ du Medef n'a abouti qu'à une chose: l'assurance maladie est désormais entièrement gérée par des syndicats de salariés.En second lieu, il y a ce que veulent les patrons et ce que peut le gouvernement, fut-il proche du Medef. C'est au nom de ce principe de réalité politique que le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy a reconnu hier soir sur France 2 qu'il lui faudrait bien... augmenter certains prélèvements (la CSG sur les retraités imposables de 0,4%, la cotisation sociale de solidarité de 0,3% pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 750.000 euros).Le règlement du conflit des intermittents est un autre dossier illustratif de cette démarche. "Pas de renégociation," a annoncé d'entrée Ernest-Antoine Seillière. Mais au nom du même principe de réalité politique, le gouvernement a poussé à la renégociation, finalement acceptée par l'Unedic - laquelle est présidée par Denis Gautier-Sauvagnac, du Medef.Il reste un troisième chantier, celui des "aménagements légaux" des 35 heures, que le président Jacques Chirac a de nouveau appelé de ses voeux hier. Sans toutefois remettre en cause le principe même des 35 heures, "maintenant entrées dans nos habitudes" tout en continuant à être condamnées par le Medef. Il convient donc, là encore, que les partenaires sociaux s'entendent sur un compromis.Le patronat est-il désireux et capable de transiger pour débloquer rapidement les grands dossiers sociaux ? C'est l'énigme Medef, dont dépend pour une large part la réussite des réformes si chère au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
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