Concurrence dans les médias n'est pas pluralisme

Une "anomalie". La "réunion d'un pouvoir politique, économique et médiatique dans les mains d'un seul homme", mais aussi "le fait que le gouvernement italien contrôle directement ou indirectement toutes les chaînes de télévisions nationales" ont été violemment critiqués cette semaine par des députés européens. Ils ont adopté un rapport très sévère pour Silvio Berlusconi qui, au terme d'une âpre bagarre législative en Italie, doit conserver à la fois le contrôle du premier pôle de télévision privé du pays et celui des chaînes de télévision publique.Le débat a déchaîné les passions à Strasbourg. Ce rapport sur "les risques de violation dans l'Union européenne et particulièrement en Italie, de la liberté d'expression et d'information" a fait l'objet d'un vote très partisan. La droite ayant massivement choisi de boycotter le vote au terme d'une guérilla d'amendements infructueuse, il a été approuvé par 237 députés de gauche et du centre. En cause, la position - singulière s'il en est - du magnat de l'audiovisuel, devenu président du gouvernement. Avec Mediaset, la société qu'il contrôle avec sa famille, et la RAI, Silvio Berlusconi est en effet au coeur d'un conflit d'intérêt de premier ordre qui n'a jamais été réglé en trois ans. Outre l'opposition qui l'accuse de contrôler ainsi 90 % de l'audience totale de la télévision italienne et 96,8 % des ressources publicitaires, la présidente même de la RAI, Lucia Anniunziata, y est allée de son réquisitoire pour fustiger les pressions politiques exercées par le gouvernement sur des journalistes de la télévision publique. Les eurodéputés n'ont pas manqué de le rappeler, en dénonçant des "ingérences, pressions et actes de censure gouvernementaux répétés".Dans la modeste mesure de ses moyens, le Parlement européen s'est donc voulu incisif. L'initiative d'un tel rapport n'est d'ailleurs pas innocente à quelques semaines des élections européennes. Mais, au-delà du "cas" Silvio Berlusconi, les promoteurs de cette offensive ont surtout voulu interpeller la Commission européenne. Le rapport demande en effet à Bruxelles de présenter une proposition de directive sur la sauvegarde du pluralisme des médias dans l'Union. Aux yeux de certains députés européens, la seule position de Silvio Berlusconi sur le marché de la télévision italienne suffit à démontrer les failles du cadre communautaire réglementant le secteur audiovisuel.Arc-boutée sur ses principes, la Commission s'est jusqu'ici toujours refusé à admettre de telles failles. Pour elle, la défense du pluralisme n'est possible que par la défense de la concurrence. Pourtant, l'exemple italien, combiné à une tendance évidente à la concentration dans les groupes de médias, tend pourtant à prouver que l'un et l'autre ne sont pas forcément liés. Car il faut bien admettre que les seuils de concentration prévus par les directives communautaires ont une pertinence, mais ils se révèlent bien impuissants à dénouer les conflits d'intérêt.
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