L'Europe sous le choc du non français

Entre surprise et consternation: au lendemain du rejet par la France du projet de traité constitutionnel, l'heure est à la préoccupation sur le Vieux Continent."La ratification de la Constitution européenne doit se poursuivre. La France a voté et la France a dit non. Une majorité de Français a rejeté le traité constitutionnel dans sa forme proposée. Nous en avons, je dois le dire, le coeur gros mais nous en prenons acte. Nous regrettons ce choix venant de la part d'un Etat membre qui est depuis 50 ans l'un des moteurs essentiels de la construction de notre avenir commun", a déclaré le président en exercice de l'Union européenne, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Outre-Rhin, la déception prime également, le non français étant considéré comme "un revers pour le processus de ratification la Constitution mais pas sa fin", selon le chancelier allemand Gerhard Schröder qui "regrette beaucoup l'issue" du scrutin. "Ce n'est pas non plus la fin du partenariat franco-allemand dans et pour l'Europe", a-t-il ajouté pour dédramatiser la situation. Aux Pays-Bas, qui voteront mercredi et où le non l'emporte pour l'instant dans les sondages, le non français surprend et inquiète le gouvernement. "Nous sommes déçus mais le processus de ratification continue et ce résultat donne une raison de plus aux Néerlandais de voter oui", a expliqué le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende. Il a appelé ses compatriotes à ne "pas prendre de leçon des Français" et à "faire leur propre choix" sur le traité constitutionnel. En Espagne, le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero considère que "le processus de ratification doit continuer" après le non massif des Français. De son côté, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, son compatriote Joaquin Almunia, tente d'apaiser les esprits et réclame la "sérénité des marchés" malgré le non français, estimant que "l'Europe ne peut pas s'arrêter". En Italie, Romano Prodi, leader de l'opposition italienne, prévoit "une crise politique majeure au sein de l'Union européenne" après la victoire du non en France, dans un entretien au quotidien "France Soir" publié aujourd'hui. L'ancien président de la Commission européenne estime que le non français "pourrait avoir des répercussions importantes au niveau des relations entre l'UE, la Chine et les Etats-Unis", car, selon lui, "comment les Etats-Unis et la Chine pourront-ils envisager de discuter sérieusement avec un partenaire qui, en rejetant la Constitution, refuse la notion d'une Europe véritablement unie? Je prévois une période d'incertitude grave après la victoire du non, surtout au niveau politique, avec des flottements qui peuvent remettre en cause le futur de l'Europe que nous voulons", explique-t-il. Quant à la possibilité de retoucher le Traité, il estime que "parler à ce stade de renégociations au nom du social ou du politique semble une tromperie", tout en précisant qu'il aurait "préféré que certains aspects du traité soient modifiés comme, par exemple, la question de l'unanimité qui a été introduite sur de nombreux points et notamment le processus de révision de la Constitution". Et après? Quelles sont les conséquences politiques pour l'Union européenne de la décision française? Là encore, les réactions de nos voisins européens sont quasiment unanimes: il faut continuer le processus de ratification du projet de constitution, malgré le non français. "Le traité n'est pas mort", a tenu à préciser Jean-Claude Juncker, excluant une renégociation du texte. Il a ainsi annoncé que les chefs d'Etat et de gouvernement des 25 se pencheraient sur la nouvelle donne lors de leur prochain sommet prévu les 16 et 17 juin à Bruxelles. De son côté, dans une déclaration commune avec Jean-Claude Juncker et le président du Parlement européen Josep Borrell, le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso s'est lui aussi prononcé pour la poursuite des processus de ratifications en soulignant que "neuf Etats membres représentant la moitié" de la population de l'UE "ont déjà ratifié la Constitution européenne". Pour les nouveaux entrants, notamment ceux issus de l'ancien bloc de l'Est, la décision française surprend. Toutefois, la victoire du non "ne devrait pas freiner" l'évolution de l'Union européenne, estime le président polonais Aleksander Kwasniewski. "Le non français signifie de graves problèmes dans le processus de l'adoption du Traité constitutionnel, mais ne devrait pas freiner le processus de l'intégration et le futur élargissement de l'Union européenne".Quelques pays semblent toutefois prêts à tirer les enseignements du refus français. Au Royaume-Uni, le chef de la diplomatie britannique Jack Straw a laissé planer le doute sur le maintien ou non du scrutin sur la Constitution prévu au Royaume Uni l'an prochain. "Nous avons besoin d'une période de réflexion", a-t-il précisé, estimant que le résultat du vote français posait "de sérieuses questions pour tout le monde sur la future direction que doit prendre l'Union européenne". Un doute également partagé en Autriche. "Les Français doivent nous dire ce qu'ils entendent avec ce vote. Ils doivent maintenant une explication à leurs partenaires européens. Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne venait de se passer", a déclaré la ministre des Affaires étrangère autrichienne Ursula Plassnik.
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