La relance de l'emploi au centre du programme de Villepin

Une seule priorité : l'emploi. Tel est le message du discours de politique générale présenté à l'Assemblée nationale en début d'après-midi par le tout nouveau Premier ministre, Dominique de Villepin.Dans son préambule, le Premier ministre a joué la carte de la prudence, rappelant les particularismes du modèle français. Il essaie ainsi de rassurer les Français et les partenaires sociaux du gouvernement - rencontrés hier - concernant la sauvegarde du modèle français, opposé sur de nombreux points au modèle anglo-saxon."Solidarité et initiative, protection et audace, c'est le génie français. (...) En tout état de cause nous ne plaquerons pas sur la réalité française un modèle qui n'est pas le nôtre. Que nous nous inspirions avec pragmatisme d'expériences réussies en Europe ou ailleurs, bien sûr. Que nous revenions sur les fondements de notre modèle social, certainement pas", s'est-il empressé de rappeler. Néanmoins, parce qu'il y a "urgence", Dominique de Villepin émet tout une série de propositions pour lutter contre "le véritable mal français" que constitue un taux de chômage supérieur à 10%.Créer des emplois dans les servicesPremier objectif du Premier ministre et de son gouvernement restreint : favoriser la création de postes dans le secteur des services qui représentent plus des deux tiers du PIB français. "Leur développement correspond à l'évolution naturelle d'une économie moderne et humaine. Ils répondent à un besoin de lien social, notamment pour les familles, les personnes âgées et les personnes handicapées. C'est pour elles que vous examinerez dans les prochains jours le projet de loi sur les services à la personne".Dominique de Villepin cible son plan d'action sur les 2,6 millions de très petites entreprises (TPE). Trois mesures sont proposées pour les inciter à recruter. La première d'entre elles concerne "la simplification de l'acte d'embauche grâce au chèque-emploi pour les très petites entreprises. Ce chèque aura valeur à la fois de bulletin de salaire et de contrat de travail". Disponible sur Internet, il aura pour objectif d'éviter toute procédure administrative lourde.La deuxième mesure proposée par Dominique de Villepin porte sur la mise en place à compter du 1er septembre d'un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée, le "contrat nouvelle embauche". "Mieux adapté aux contraintes des très petites entreprises auxquelles il pourra être proposé, il conciliera plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles sécurités pour le salarié". Ce contrat prévoira une période d'essai plus longue, d'une durée de deux ans, adaptée au rythme de développement des très petites entreprises. Quant à la durée du préavis, elle sera fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, correspondant ainsi aux efforts fournis. Grâce à cette mesure, le Premier ministre estime que les TPE disposeront de nouvelles facilités d'embauche, leur permettant de "s'engager avec confiance dans la voie de nouveaux recrutements". Enfin, avec la troisième mesure, le chef du gouvernement veut inciter les chefs d'entreprise à surmonter le seuil des dix salariés, un seuil dont le franchissement est actuellement trop lourd en termes administratif et financier. Un allègement des obligations financières, qui passera par la prise en charge par l'Etat des cotisations supplémentaires dues à partir du dixième salarié, est proposé.Les PME ne sont pas oubliées. Celles-ci pourront bénéficier d'incitations fiscales et financières, notamment en ce qui concerne leur transmission. "Le projet de loi en faveur des PME leur apportera la réponse qu'ils attendent", a affirmé le Premier ministre. Favoriser un retour rapide à l'emploiDeuxième objectif du gouvernement : mobiliser le service public de l'emploi et de ses partenaires pour favoriser le reclassement dans les premiers mois de chômage. "Les pays qui ont su faire reculer durablement le chômage sont ceux qui se sont donnés les moyens d'agir pour l'accompagnement et le reclassement des chômeurs. Ce sont ceux qui ont avancé vers la sécurisation des parcours professionnels. Il faut que la perte d'emploi soit vécue comme une transition vers un nouvel emploi et non comme une impasse", souligne le Premier ministre.Première mesure concrète, pour aider les demandeurs d'emplois à retrouver du travail, le chef du gouvernement propose le versement d'une prime de 1000 euros à toutes les personnes au chômage depuis plus d'un an, et bénéficiant de minima sociaux. De plus, la mise en place des maisons de l'emploi au niveau local et l'ouverture d'un dossier informatique commun à l'ANPE et à l'UNEDIC au niveau national doivent permettre la mise en place d'un véritable suivi personnalisé. "La coordination et le rapprochement des structures sont essentiels : c'est la condition pour que chaque demandeur d'emploi puisse connaître personnellement son interlocuteur chargé de l'orienter dans ses recherches".Pour lutter contre le chômage qui touche depuis plus d'un an 57.000 jeunes Français, Dominique de Villepin demande à l'ANPE de les recevoir individuellement avant la fin du mois de septembre et de leur proposer "une solution adaptée". De plus, pour favoriser le développement des contrats jeunes, il propose deux initiatives complémentaires : "que l'embauche des jeunes de moins de 25 ans ne rentre plus dans le décompte des seuils de dix et cinquante salariés ; deuxièmement, que les jeunes qui prennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement bénéficient personnellement d'un crédit d'impôt de 1000 euros".Chômage des seniorsEn ce qui concerne le chômage qui touche les seniors, le Premier ministre a également dévoilé plusieurs mesures. L'Etat donnera l'exemple en ouvrant davantage son recrutement aux anciens salariés du secteur privé, en reculant ou en supprimant les limites d'âge qui bloquent leur accès aux différents concours de la fonction publique. "Les partenaires sociaux négocient actuellement sur l'emploi des personnes de plus de cinquante ans. Mon objectif est de lever les obstacles à l'embauche ou au maintien dans l'emploi, en étudiant l'assouplissement des règles de cumul emploi-retraite et la suppression de la contribution Delalande. Le Gouvernement agira au vu des résultats de cette négociation", précise-t-il. Enfin, Dominique de Villepin compte soutenir la capacité d'investissement future de la France. "J'entends relancer des grands chantiers d'infrastructure, en particulier dans les domaines routier et ferroviaire. Dans l'état de la conjoncture, notre économie a besoin d'un signal fort de redémarrage de l'investissement public, y compris en recourant à des financements innovants ". Pour financer ces grands travaux et leur permettre de souscrire aux appels d'offre européens, il a également décidé de poursuivre la cession par l'Etat de ses participations dans les sociétés d'autoroute: "le produit de ces cessions ira notamment à l'Agence pour le financement des infrastructures de transports afin d'accélérer les contrats de plan Etat-région". Ce plan de relance de l'investissement public, censé favoriser la création d'emplois, concerne également les grandes entreprises de service public. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre veut "leur donner les moyens de poursuivre leur développement dans les meilleures conditions". L'ouverture du capital de Gaz de France, afin qu'elle puisse lever des fonds au plus vite devrait donc rapidement intervenir. Quant au cas EDF, "le processus d'augmentation de capital se poursuit". "Il s'agit, dans le strict respect de la loi et de ses missions de service public, de conforter un projet industriel ambitieux".Par ailleurs, pour financer "les grands projets porteurs d'avenir" créateurs des emplois futurs, impulsés par l'Agence pour l'innovation industrielle - qui devrait très rapidement voir le jour -, le Premier ministre compte sur les 500 millions d'euros récoltés lors de la cession des titres de France Télécom. Une marge de manoeuvre limitéeToutes ces bonnes intentions se heurteront cependant à l'inextricable casse-tête budgétaire. Chiffré à quatre milliard d'euros, ce plan de relance de l'emploi devrait nécessiter certains sacrifices. Et le Premier ministre en est bien conscient, la France étant toujours officiellement engagée à respecter le Pacte de stabilité et de croissance en 2005."Toutes nos marges de manoeuvre budgétaires iront à l'emploi : ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu", prévient le chef de Matignon.Pour financer ce programme, Dominique de Villepin compte également sur la bonne santé relative de l'économie française, soutenue essentiellement par la consommation des ménages. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre se veut le défenseur du pouvoir d'achat des salariés. "Au 1er juillet prochain, la réunification des SMIC sera achevée grâce à l'augmentation de plus de 5% du SMIC horaire. Par ailleurs, je souhaite que les négociations sur les grilles salariales dans les branches, qui relèvent des partenaires sociaux, aboutissent avant la fin de l'année". "Je veux aussi développer la participation : lorsque les entreprises accroissent leurs bénéfices, il est normal que tous les salariés puissent en profiter. En 2005, les sommes issues de la participation versées au titre de 2004 pourront donc être débloquées". De plus, une action volontariste en faveur de la baisse des prix dans la grande distribution - la fameuse réforme de la loi Galland initiée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il dirigeait Bercy - est en cours.Ce programme suffira-t-il à redonner confiance aux Français? La réponse tombera au terme des 100 prochains jours, période au cours de laquelle le Premier ministre dressera un premier bilan de l'action de son gouvernement. Le compte à rebours est lancé.Voir ci-contre le texte intégral du discours du Premier ministre
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