Les banquiers centraux européens unanimes contre l'assouplissement du Pacte de stabilité

Deux jours après l'assouplissement du Pacte de stabilité décidé par le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, les banques centrales européennes ne décolèrent pas. Outre la réaffirmation par Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), de son hostilité à cette initiative, c'est le gouverneur de la Banque d'Angleterre qui est à son tour monté au créneau aujourd'hui.Alors même que son pays ne fait pas partie de la zone euro, Mervyn King, qui s'exprimait devant la commission des finances de la Chambre des Communes, à Londres, a vertement critiqué la décision européenne. "Les ministres européens ont ouvert une brèche béante dans le Pacte de stabilité et de croissance", a-t-il lancé. Selon le gouverneur de la Banque d'Angleterre, une "discipline fiscale collective" est indispensable pour les pays participant à l'euro. Or, a-t-il ajouté, "quels que soient les mots utilisés pour décrire ces modifications du Pacte, ce n'est pas de la discipline".En prenant cette position publique, Mervyn King s'est expressément fait le relais de ses homologues de la zone euro. "Mes collègues des banques centrales en Europe sont sérieusement préoccupés, a-t-il affirmé aux parlementaires, en fait je crois que 'consternés' serait un mot plus juste".La décision prise par les responsables politiques de l'Union, qui va donner beaucoup plus de souplesse en matière de dépassement du plafond des 3% du PIB pour les déficits publics, avec la prise en compte de toutes sortes de facteurs particuliers et circonstances exceptionnelles, est de fait considérée par les banquiers centraux comme la porte ouverte au laxisme. A leurs yeux, les gouvernements de l'Union risquent de se livrer sans retenue aux joies des déficits publics, ce qui contribuerait à affaiblir la crédibilité de la monnaie unique.Premier concerné, Jean-Claude Trichet a de son côté réaffirmé aujourd'hui tout le mal qu'il pense de cette initiative. "Je ne peux pas dissimuler nos préoccupations", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse tenue à Liège. "Maintenant que nous allons avoir un nouveau cadre, il est impératif que les Etats membres, la Commission européenne et le Conseil (des ministres de l'UE) mettent en oeuvre le Pacte de stabilité de manière rigoureuse et cohérente", a-t-il ajouté.Revenant sur les avantages apportés par l'euro, il a souligné tout particulièrement le fait que la monnaie unique a permis aux pays concernés de bénéficier de taux d'intérêts exceptionnellement bas. Conclusion implicite: ces taux faibles - le taux de base de la BCE est actuellement de 2%, tandis que celui de la Réserve fédérale américaine est de 2,75% - pourraient être remis en cause par la nécessité de contrebalancer le laxisme des Etats.Une menace que Nout Wellink, gouverneur de la banque centrale néerlandaise et membre du conseil de la BCE, a agitée explicitement hier, en affirmant que, comme les déficits publics vont devenir "plus importants et moins compatibles avec la politique monétaire", il en résultera "moins de croissance et des taux d'intérêt plus élevés".Quant à la banque centrale allemande, traditionnellement la gardienne la plus inflexible de l'orthodoxie budgétaire, elle n'a pas hésité à se déclarer "profondément inquiète" et à souligner, elle aussi, que seule la discipline budgétaire permet "d'assurer durablement la stabilité des prix tout en maintenant des taux relativement bas".Ulcérés que leur opinion n'ait pas été entendue par les responsables politiques, les banquiers centraux européens multiplient donc les avertissements. Reste que pour l'heure, aucun observateur ne croit à un relèvement rapide des taux de la zone euro. Alors même que la Réserve fédérale a procédé cette semaine à son septième relèvement consécutif, il apparaît que la croissance européenne est trop en retard sur celle des Etats-Unis pour justifier une hausse des taux de la BCE, alors que les tensions inflationnistes sont encore suffisamment sous contrôle en Europe.
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