L'Allemagne à l'heure des incertitudes et des tractations

Discussions tous azimuts, mais aussi et surtout grand désarroi: c'est ce qui prévaut lundi en fin de journée sur la scène politique allemande. Au lendemain d'élections qui n'ont donné la victoire à personne, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates revendiquent la responsabilité de former le prochain gouvernement qui, c'est la seule certitude, ne pourra s'appuyer que sur une coalition - pour le moment introuvable.Avec des scores très proches, les deux groupes d'alliés sont hors d'état d'obtenir la majorité absolue au Parlement. Selon les résultats officiels provisoires, la CDU/CSU recueille 35,2% des voix (38,5% en 2002) et son allié FDP 9,8% (7,4% en 2002), soit un total de 45% des suffrages. En face, le SPD de Schröder obtient 34,3% des voix (38,5 en 2002) et les Verts 8,1% (8,6% en 2002), soit 42,4%. Pour obtenir une majorité absolue au Bundestag, il faudrait au minimum 48,5% des voix...Si la constitution d'une coalition apparaît dès lors inévitable, encore faut-il savoir qui sera appelé à la diriger. Aujourd'hui, les deux grands leaders de la vie politique allemande se sont disputés cette responsabilité. Pour Angela Merkel, chef de file des chrétiens-démocrates, les choses sont claires: "nous sommes le plus gros groupe parlementaire et avons ainsi une mission gouvernementale claire".Mais le chancelier Gerhard Schröder, qui entend bien le rester, voit les choses autrement: pour lui, le score de son camp est un succès, et le SPD est à même de diriger une coalition de gouvernement...Appels à discussion Chacun des deux partis revendique donc cette responsabilité. SPD et CDU ne sont pas même d'accord sur l'identité du plus grand parti sorti des urnes. La CDU compte en un bloc ses propres voix et celles de son parti frère, la CSU de Bavière, ce qui donne un total de 225 députés. Mais le SPD affecte de considérer qu'il s'agit là de deux partis distincts, ce qui fait de lui le parti disposant du plus grand nombre de députés (222)...Des appels à discussion pour former une coalition ont donc déjà été lancés, notamment par le SPD en direction de la CDU-CSU, du FDP et des Verts. Avec tout de même trois "conditions": que le SPD gouverne, que Gerhard Schröder reste chancelier et que le programme du SPD soit mis en oeuvre dans ses points essentiels. De quoi séduire ses partenaires éventuels...Le patronat inquietDans l'immédiat, c'est la perspective d'interminables négociations et d'une crise politique durable qui semble la plus avérée. Ce qui suscite déception et inquiétude dans les milieux économiques allemands. Très attachés à la poursuite et à l'accentuation des réformes de structure du pays - ce qui les poussait d'ailleurs souvent à soutenir Angela Merkel et son programme très libéral - ces derniers réagissent fort mal à la situation confuse qui prévaut aujourd'hui. "Du point de vue de l'industrie et des milieux économiques, nous sommes amèrement déçus", estime ainsi Jürgen Thumann, le président de la Fédération allemande de l'industrie (BDI), la principale organisation patronale, qui craint de voir le pays devenir "difficile à gouverner".Même sentiment à la Fédération des jeunes entrepreneurs, dont la présidente Karoline Beck estime que les résultats de dimanche "signifient une politique de réforme de petits pas et c'est exactement cela dont nous n'avons pas besoin"...La presse allemande se déchaîne contre Angela Merkel et son score extrêmement décevant. Le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung évoque "le démontage d'Angela Merkel, la femme qui pensait tout contrôler et dont tout lui file désormais des mains". Avec 35,2% des voix, contre 38,5% en 2002, les chrétiens-démocrates de la CDU et du CSU réalisent de fait leur troisième plus mauvais score de l'après-guerre. Pour le quotidien des affaires FT Deutschland, le score d'Angela Merkel est d'ailleurs sans appel: c'est "plus qu'une humiliation, il scelle aussi la fin politique de Merkel à terme".Dans l'immédiat, en tout cas, la Bourse de Francfort n'apprécie pas l'incertitude ainsi créée. Après avoir ouvert en nette baisse ce lundi, elle perd encore 1,21% en fin de journée, à 4.926 points. Et l'euro ne se porte pas mieux: il perd au même moment 0,6% contre le dollar, reculant à 1,2160 dollar, contre 1,2235 vendredi soir.
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