La BCE n'a pas droit à l'erreur

Ces derniers n'ont même pas attendu jeudi pour sortir l'artillerie lourde. Président en exercice de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker s'est fait hier le porte-parole des douze participants à la monnaie unique pour déclarer que la thèse sur laquelle la BCE allait fonder le resserrement de sa politique monétaire était tout simplement une vue de l'esprit: "Nous n'observons pas de résurgence de l'inflation," estimait-il dans les colonnes du Figaro. "La modération salariale prédomine et les salaires ne sont pas affectés par la hausse des prix du pétrole." De son côté, Thierry Breton s'est déclaré "peu convaincu" de l'existence d'un risque inflationniste.Au nom des patrons européens de l'Unice, Ernest-Antoine Seillière a jugé "stable" l'inflation "sous-jacente", c'est dire ne tenant pas compte des prix du pétrole. Enfin, le jour même où Jean-Claude Trichet laissait entrevoir la hausse des taux, à l'occasion d'une conférence à Francfort le 18 novembre, un vice-ministre italien de l'Economie, Mario Baldassarri, suggérait qu'aucun relèvement des taux directeurs ne serait justifié tant que l'euro n'aurait pas retrouvé la parité avec le dollar.On peut s'interroger sur le fondement économique de ce dernier principe - une interprétation un peu simpliste, on imagine, de la parité du pouvoir d'achat. Le constat n'en est pas moins clair: il existe un désaccord fondamental entre les responsables de la Banque centrale européenne et les principaux gouvernements de la zone euro quant à la nature et l'orientation de la politique monétaire. Et ce désaccord est nuisible.Le débat tient en deux questions: la BCE est-elle fondée à faire de la stabilité des prix, et au-delà de la monnaie, sa préoccupation essentielle sinon unique? Et dans cette hypothèse, cette stabilité est-elle menacée aujourd'hui?A la première question, les dirigeants de la BCE apportent deux réponses qui ne sont pas contestables. D'une part, en veillant à la stabilité des prix, ils ne font qu'appliquer un traité européen... rédigé et adopté à Maastricht par les mêmes gouvernements qui semblent aujourd'hui s'interroger sur le bien-fondé de leur mission. D'autre part, si une politique monétaire accommodante associée à d'importants déficits publics suffisait à générer une croissance solide et génératrice d'emplois, la zone euro n'afficherait pas aujourd'hui un taux de croissance de 1,6% en rythme annuel et un taux de chômage de 8,4%. Que les gouvernements procèdent aux indispensables réformes structurelles, suggèrent-ils, et la politique monétaire n'en sera que plus efficace.La seconde question est plus délicate. Ministres et patrons ont raison de constater que l'inflation n'est pas une menace aujourd'hui. Mais la BCE ne peut s'en tenir à ce simple constat. Elle ne remplit son rôle que si elle anticipe et prévient les menaces inflationnistes. Elle s'inquiète légitimement de la flambée du crédit dans la zone euro. Elle redoute le fameux "effet de second tour", en d'autres termes que la hausse des prix du pétrole se répercute sur les autres prix et surtout sur les salaires, ce qui semble moins évident.Sa décision de jeudi sera beaucoup moins déséquilibrée que le discours politique ne le suggère. Si elle se limite à 25 points de base comme prévu, la hausse de son principal taux directeur sera d'une portée modeste. Pour autant, si la timide reprise tourne court, les grands argentiers de Francfort seront plus que jamais offerts à la vindicte publique.
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