Quand Bill Clinton fait son "Davos"

Le moins que l'on puisse dire est que la "Clinton Global Initiative" a connu des débuts spectaculaires. Quelque huit cents participants ont versé chacun 15.000 dollars d'inscription pour côtoyer l'élite mondiale de la politique, des affaires et du monde académique sur quatre étages d'un grand hôtel de Manhattan. Ils ont entendu Tony Blair plaider pour une approche plus pragmatique de la lutte contre le gaz à effet de serre, Kofi Annan lancer un appel à la mobilisation contre la prolifération nucléaire, la reine Rania de Jordanie plaider avec passion pour une éducation des enfants à l'existence de plusieurs religions, l'ancien vice-président Al Gore rappeler avec éloquence pourquoi on ne pouvait pas se passer d'un gouvernement digne de ce nom - même aux Etats-Unis. Les plus chanceux auront même échangé quelques mots sur l'état du monde avec Brad Pitt, Angelina Jolie ou Oprah Winfrey, la plus grande vedette de la télévision américaine.Mais Bill Clinton avait prévenu dès le début qu'il voulait autre chose que des discours et des paillettes. Il voulait des propositions originales et il y en eut - par exemple, de faire de la reconstruction de La Nouvelle-Orléans le laboratoire et le modèle d'une nouvelle politique américaine de développement durable. Il voulait des projets financés et il n'en a pas manqué. La fondation Nike a engagé un million de dollars dans un programme de soutien aux adolescentes des pays les plus pauvres d'Afrique. L'entrepreneur écossais Tom Hunter a investi 100 millions de dollars dans la lutte contre la pauvreté et son homologue soudanais la même somme dans la création d'un fonds d'investissement dans les entreprises africaines. Un think-tank a promis de mettre au point une assurance contre le terrorisme dédiée aux investisseurs dans la bande de Gaza, une ONG de produire une série télévisée pour promouvoir la tolérance entre groupes de différentes origines ethniques et religieuses. Tous les projets ne sont pas aussi précis; bien sûr, beaucoup n'ont pas été élaborés spécifiquement pour le "sommet de Bill Clinton". Mais leur accumulation n'en marque pas moins l'émergence d'une approche nouvelle et originale.Plus impressionnante encore est sans doute la candeur avec laquelle plusieurs personnalités se sont exprimées sur des sujets sensibles. Rupert Murdoch a laissé de côté son légendaire appétit de conquête de la Chine pour désavouer publiquement et fermement le choix de Yahoo! de remettre aux autorités chinoises des informations concernant l'un de ses utilisateurs, un journaliste par la suite arrêté et emprisonné. Pour faire bonne mesure, il a ajouté que la politique d'ouverture de la Chine aux médias étrangers "se heurte à un mur" depuis un an. Chad Holliday, le président de DuPont, a affirmé qu'il soutiendrait un plafonnement des émissions de CO2 - un discours aux antipodes de celui traditionnellement prêté aux industriels américains. Mais c'est sans doute Jeff Immelt, PDG du conglomérat General Electric, qui a rompu le plus franchement avec la langue de bois, en rappelant combien l'industrie américaine doit... au soutien financier du gouvernement. "Le moteur que nous fabriquons aujourd'hui pour le Boeing Dreamliner est le résultat d'un programme militaire entamé il y a vingt-cinq ans," a-t-il rappelé. "C'est la Nasa qui est à l'origine de notre industrie du logiciel, ce sont Medicare et le National Institute of Health qui ont permis l'émergence d'une industrie de la santé." Le plus dur reste à faire: bâtir sur les fondations de ce parler vrai et les centaines de millions de dollars promis. Bill Clinton a promis un suivi détaillé et public sur chacun des engagements pris. Et il a conclu ainsi: "Je suis heureux de ce que nous sommes parvenus à accomplir. Mais j'espère que vous partez d'ici emplis d'humilité et sachant à quel point nous pouvons faire mieux."
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