Alan Greenspan, exubérant ou irrationnel ?

A moins de deux mois de la retraite, Alan Greenspan éprouverait-il des remords? S'exprimant voilà quelques jours lors d'une conférence organisée par la Réserve fédérale de Pennsylvanie, le "maestro" a fait part de son effroi face au creusement du déficit budgétaire de la première puissance économique mondiale. Car après être descendu à 2,6% du produit intérieur brut des Etats-Unis en 2005, le déficit fédéral devrait s'inscrire à 382,7 milliards de dollars lors de l'exercice 2006 commencé à la fin septembre, pour représenter 3% du PIB.Le creusement du déficit finira par "causer de sérieux bouleversements économiques", a averti l'homme qui depuis dix-huit ans déjà pilote la plus importante banque centrale au monde. Bigre! La situation budgétaire des Etats-Unis est-elle devenue si soudainement délétère que celui que certains éditorialistes n'ont pas hésité à qualifier de "meilleur banquier central qu'aient connu les Etats-Unis" se sente obligé d'avertir le monde d'une catastrophe imminente?Au cours des dernières années, le déficit fédéral est pourtant monté encore plus haut, atteignant jusqu'à 412 milliards de dollars en 2004, soit 3,5% du PIB. Que faisait alors le grand sage? Il applaudissait à tout rompre la politique économique de l'administration Bush, soutenant sans réserve son programme de réduction d'impôts portant sur 1.850 milliards de dollars sur dix ans. Sortant de la traditionnelle réserve des présidents de la Fed qui veut que ceux-ci ne s'expriment que sur l'inflation - ou éventuellement sur l'emploi - ce Républicain pur jus a aussi apporté sa caution morale à la réforme de la "social security". Mais le président des Etats-Unis n'a jamais réussi à imposer cette privatisation partielle du système public des retraites à l'Américain de la rue, ni même aux élus du Capitole. Les "conservateurs fiscaux", comme il est de bon ton de les appeler à Washington, ne s'en portent pas plus mal. Selon le think-tank bipartisan The Concord Coalition, cette réformette aurait en effet coûté la bagatelle de 2.000 milliards de dollars au contribuable américain.La réforme des retraites est à priori enterrée, la croissance américaine demeure robuste et les recettes fiscales se sont redressées. Alors pourquoi diable Alan Greenspan s'inquiète-t-il maintenant d'une situation budgétaire dont il s'est accommodée pendant des années? Les mauvaises langues notent que le président de la Fed a peut-être envie de peaufiner son bilan avant de tirer sa révérence à la fin janvier. En septembre déjà, le maître avait surpris la communauté économique américaine en s'exprimant longuement sur la hausse vertigineuse des prix de l'immobilier aux Etats-Unis... alors que l'envolée du prix de la pierre durait depuis plusieurs années et, surtout, qu'elle était pour l'essentiel due à une politique monétaire des plus accommodantes! Dans ce contexte, il ne serait pas surprenant si, d'ici à la fin janvier, Alan Greenspan se lançait à nouveau dans de grands numéros de Cassandre. Histoire de pouvoir démontrer plus tard qu'il nous avait bien prévenus. Une attitude certes exubérante, mais pas si irrationnelle...
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