La VOD, Apple et la fin de l'exception culturelle

La semaine où Canal Plus lance sa plate-forme de vidéo à la demande (VOD), et où e-TF1 annonce la sienne pour mi-novembre, Apple déboule dans le jeu en proposant de télécharger sur sa boutique iTunes Store américaine des séries télévisées récentes. Pas n'importe lesquelles. Du premier choix issu des studios Disney qui font le plein d'audience sur la chaîne du groupe, ABC : Lost, Desperate Housewives. Et de la première fraîcheur : les épisodes sont disponibles au lendemain de leur diffusion sur ABC.Il y a peu, France Télécom avait aussi fait irruption dans le domaine en proposant des films Warner récents aux abonnés ADSL à "Ma Ligne TV". Les studios américains, une fois rassurés sur la sécurisation des contenus face au piratage, n'ont donc aucun état d'âme à confier leurs productions à de nouvelles plates-formes, opérées par des acteurs - telcos, fabricants informatiques - qui ne sont pas leurs clients habituels du monde de la télévision. C'est une première épine dans le pied des chaînes de télévision qui ont acquis ses programmes pour leur antenne : elles risquent de voir leur exploitation en VOD banalisées sur une multitude de plate formes, sans pouvoir capitaliser sur la notoriété d'une série avec des services en ligne à leur propre marque. Pour la production européenne, le subtil mécanisme français de financement des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques et les obligations liées à la diversité culturelle résisteront-ils avec ce nouveau type de diffusion ? Les chaînes de télévision contribuent aux financements des productions, en échange d'une priorité sur leur antenne. Assujetties à des quotas d'oeuvres européennes, elles contribuent à la diversité des productions. Les éditeurs vidéos ont obtenu une sortie des films français en DVD six mois après leur sortie en salle, mais acquittent une taxe qui alimente le soutien à la production. Les producteurs n'ont pas intérêt à rompre ces équilibres en apportant trop tôt leurs programmes et séries à une boutique type iTunes.fr. Mais quand les téléspectateurs auront l'habitude d'aller télécharger un épisode manqué à la télé de leur série américaine préférée, comment accepteront-ils que cet usage soit impossible pour un programme français ? C'est tout l'enjeu de la révision de la Directive Télévisions sans frontières (TVSF), dont Bruxelles a entamé le processus et qui pourrait aboutir en 2006 : faut-il ou non étendre les règles appliquées à l'audiovisuel européen (déjà bien plus souples que les règles françaises) aux nouveaux services dits non linéaires tels que la VOD ? Si l'Europe répondait non, et que la VOD soit laissée en libre service chez un Apple ou un France Télécom ? David Currie, président de l'Ofcom, le régulateur britannique de l'audiovisuel, en conclusion des travaux du groupe sur les services audiovisuels lors de la conférence préparatoire à la révision à Liverpool en septembre dernier, a mis en garde : faute de les inclure dans la directive TVSF, ces nouveaux services à contenus audiovisuels seraient couverts par l'une des directives services ou commerce électronique, "qui permet d'enjamber le pont séparant culture et commerce. Il n'y aura plus de possibilité de débattre de la question culturelle".
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