La télévision haute définition à la peine en Europe

Depuis des mois, il est de bon ton de parler de télévision haute définition. TF1 en a particulièrement chanté les louanges pendant des mois dans le cadre du lancement de la télévision numérique terrestre - avant de se rétracter (lire ci-contre). Les industriels français comme Thomson et les diffuseurs (Noos, France Télévision...) lui ont même dédié un organisme, le HD Forum, inauguré en grande pompe en juillet dernier par le ministre délégué à l'Industrie Patrick Devedjian en personne. Et pourtant: en dépit de cette belle unanimité sur fond de gesticulations médiatiques, force est de constater qu'en France la télévision haute définition (ou TVHD) brille surtout par son absence.Dans une étude remise à la Commission européenne ces jours-ci, le BIPE, un institut d'analyse et de conseil économique, souligne d'ailleurs le retard de la télévision du futur en Europe par rapport aux Etats-Unis et au Japon, où elle connaît une réalité commerciale depuis déjà longtemps. Principale raison à ce phénomène: le manque cruel d'offre de programmes. Actuellement, à part quelque initiatives isolées comme la chaîne paneuropéenne Euro 1080, il n'y a pas de diffusion en HD. Les téléspectateurs européens devront attendre fin 2005 en Allemagne et en France pour regarder des canaux en préparation chez Premiere, Canal Plus et TPS Star. Au Royaume-Uni, Sky s'y mettra en 2006. Une situation qui tranche avec ce qui se passe ailleurs. Aux Etats-Unis par exemple, le bouquet satellite Voom a lancé il y a un an 39 chaînes en HD et les grands networks proposent souvent leur prime time en HD.Retard dans les équipementsCette absence d'offre contraste avec l'état d'avancement des autres maillons de la chaîne HD. En aval, de plus en plus d'écrans plats (LCD ou plasma) sont dotés de cette technologie. En amont, les producteurs européens, notamment dans la fiction lourde ou dans le documentaire, tournent directement en HD, afin de ne pas déprécier la valeur du catalogue à l'international. Mais tous les équipements ne sont pas prêts. "Les premiers encodeurs et décodeurs Mpeg-4 ne seront commercialisés que fin 2005", souligne l'étude. Surtout, il faudra attendre quand même dix ans avant que les foyers ne soient massivement équipés.En fait, la situation européenne est à bien des égards différente de celle connue aux Etats-Unis ou en Asie. Tout d'abord, de ce côté-ci de l'Atlantique, les acteurs restent échaudés par l'échec politico-industriel des technologies MAC tentées dans les années 90. Aujourd'hui encore, ils continuent de s'interroger sur le modèle économique de la HD, qui nécessite de nouveaux investissements à tous les niveaux (producteurs, diffuseurs, ménages). Ensuite, si la HD est une réalité aux Etats-Unis, au Japon ou en Corée, c'est aussi parce que la télévision analogique y est de bien moins bonne qualité qu'en Europe, ce qui a incité les particuliers à s'en détourner.Les JO et le Mondial de football, locomotives de la HDPourtant, le BIPE en est convaincu, les industriels ont tout intérêt à pousser la HD, qui pourrait être le fil rouge d'une nouvelle révolution audiovisuelle, relançant le taux de pénétration de la télévision qui stagne en Europe et qui ralentit "la migration vers le numérique". De fait, le numérique a pour l'instant été uniquement exploité pour diffuser plus de chaînes à des coûts de diffusion bien moins élevés qu'en analogique. Or, le BIPE parie que la qualité permise par la HD aura un pouvoir d'attractivité fort auprès des consommateurs, donnant un coup de fouet aux ventes de terminaux ou aux abonnements à des chaînes payantes.Reste que ce sombre tableau pourrait rapidement s'éclaircir. Le développement de la HD pourrait s'accélérer grâce à de grands événements sportifs gros générateurs d'audience, comme la Coupe du monde de football 2006 en Allemagne ou les Jeux Olympiques 2008 de Pékin, tous deux tournés en HD. Ainsi, les 64 matches de la Coupe du monde seront "le premier événement majeur intégralement produit en 16/9ème et en HD", soulignent les auteurs de l'étude. Le 16/9ème injustement négligéEn attendant l'émergence de la télévision du futur, l'institut conseille à l'industrie de moins négliger le 16/9ème, un format jusque là trop peu exploité par rapport à son potentiel. En dépit d'un taux de pénétration non négligeable, "très peu de diffuseurs en Europe disposent d'une offre véritablement 16/9ème", déplore l'étude. Pour le BIPE, les diffuseurs craignent entre autres de déplaire à une partie de leur public. Ils ont aussi peur que ce format ne soit pas adapté à certains programmes. Enfin, ils considèrent que de toutes façons le 16/9ème devrait être généralisé avec la HD. Mais l'expérience anglaise montre que le 16/9ème, poussé à l'occasion de l'arrivée du numérique par les différents acteurs dès 1997-98, a permis de relancer l'équipement des ménages bien plus tôt, chacun voulant profiter des nouveaux programmes. Et le 16/9ème n'a pas été uniquement utilisé pour le cinéma. Le bouquet numérique Sky Digital a ainsi diffusé dès le début dans ce format tous les matchs de Premiere League, ce qui infirme une grande partie des craintes des diffuseurs. Du coup, une fois le taux de pénétration en 16/9ème parvenu à un certain seuil, les diffuseurs ont pu ensuite s'adresser "d'emblée" aux ménages équipés de cette technologie. Ce mécanisme vertueux, les Britanniques l'ont bien compris.Sandrine CassiniQuelques définitions...Télévision haute définition: cette technologie offre une bien meilleure qualité d'image que la télévision actuelle. Elle repose sur une augmentation du nombre de "lignes" qui composent l'image. Il existe deux niveaux de haute-définition dans le monde, offrant une image à 720 ou à 1080 lignes, contre 576 lignes pour la définition standard.16/9ème: format large qui constitue une amélioration objective de l'expérience télévisuelle, dans la mesure où son ratio largeur/hauteur correspond mieux à la vision humaine. Ce format est particulièrement adapté au cinéma.Télévision numérique terrestre (TNT): nouvelles chaînes numériques qui passeront par le spectre hertzien, actuel canal de distribution des chaînes analogiques (TF1, France Télévision, etc). Elles seront lancées en mars prochain pour les gratuites et en septembre pour les payantes. Les chaînes diffusées par la TNT peuvent être en définition standard ou en haute définition.
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