Justice à l'américaine

Avec Executive Life, il y a ceux qui acceptent de payer (le CDR et le Crédit Lyonnais), celle qui opte pour la politique de la chaise vide (la Maaf) et un irréductible (François Pinault). Depuis l'ouverture du procès civil de cette affaire qui met en cause les conditions dans lesquelles le Crédit Lyonnais a organisé la reprise de la compagnie d'assurance californienne au début des années 90, les rebondissements n'ont pas manqué. Le premier, relativement prévisible, est la transaction conclue in extremis par le CDR qui représente ici les intérêts de l'Etat, comptable de l'ardoise laissée au contribuable par le Lyonnais. Pour 600 millions de dollars, cette structure publique espère bien tourner définitivement la page Executive Life et a saisi l'offre qui lui a été faite par le médiateur rappelé en urgence pour trouver une porte de sortie aux uns et aux autres avant que ne commencent les hostilités devant les jurés. Ceci pour rappeler à ceux qui l'auraient oublié qu'avec la justice américaine il est bien sûr question de droit, mais aussi de dollars. Au pénal déjà, en décembre 2003, l'équation financière avait été au coeur des discussions finales. Sans surprise, le procès civil ne fait que confirmer. Au total, le contribuable aura donc payé 700 millions de dollars pour cette aventure américaine du Crédit Lyonnais, ce fameux coup financier du siècle qui s'est transformé en cauchemar judiciaire.Cet accord de dernière minute laisse sur le bord de la route Artémis, le holding de l'homme d'affaires François Pinault. Cette fois, les rôles sont inversés ! On se souvient qu'il y a un an, au plus fort des tractations dans le cadre de la procédure pénale, Artémis avait obtenu du gouvernement que le CDR lie son sort au sien. Cette fois, il n'en est rien et le CDR, pressé d'en finir et soucieux de s'épargner une nouvelle polémique, a rapidement convaincu les autorités politiques qu'une transaction valait mieux qu'un procès. Artémis reste donc seul, avec la conviction que son cas est parfaitement défendable face à des jurés issus de milieux populaires et qui risquent fort de voir en François Pinault un habile homme d'affaires, français de surcroît, qui s'est enrichi sur le dos des assurés californiens. Soucieux de prouver le contraire, le patron français a promis de venir témoigner. La tâche s'annonce ardue. Car à nouveau, tout est une question de dollars. Artémis a déjà payé (185 millions), ne se fait pas d'illusions sur le fait qu'il lui faudra sans doute compléter la mise mais rechigne face aux exigences de ses adversaires américains.Reste enfin le cas de la Maaf. La mutuelle a prudemment laissé le CDR achever ses négociations pour tirer sa révérence. Pour les jurés, en faisant défaut, elle se condamne elle-même. Mais la mutuelle française, sans actifs aux Etats-Unis, ne risque finalement pas grand chose. Elle a déjà payé 10 millions de dollars et son patron est interdit du territoire américain. Toute nouvelle condamnation sera dans les faits très compliquée à exécuter. Pour Gary Fontana, l'avocat du Département des assurances de Californie, c'est finalement le cadet de ses soucis. Il doit désormais concentrer ses attaques sur François Pinault et déstabiliser une défense bien entraînée. Mais la justice américaine n'est pas avare de surprises. De ce point de vue, l'affaire Executive Life est une leçon exemplaire.
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