La presse européenne dissèque le "non" français

"Tremblement de terre", "une gifle à l'Europe", "le vote français plonge l'Europe dans la crise": la presse européenne n'a pas de mots assez forts pour exprimer sa stupeur au lendemain du vote des Français, qui ont rejeté dimanche à près de 55% le projet de traité constitutionnel. Alors que 9 pays seulement ont validé le traité, beaucoup d'observateurs font déjà leur deuil du texte. Position isolée, celle du quotidien allemand Suddeutsche Zeitung qui affirme que "la vie continue" et que "chaque pays doit décider de son propre avenir". Même si le flou domine, "il est raisonnable de penser, que le projet de Constitution élaboré par Giscard et la Convention ne verra jamais le jour", estime l'éditorialiste du quotidien italien la Reppublicca, rappelant ainsi, opportunément que le texte est aussi le fruit du travail de l'ancien président de la République française. "Le Traité est mort dans sa forme actuelle", corrobore le quotidien autrichien Der Standard, proche du centre gauche. "L'écrasant non de la France laisse l'Europe en crise et sans Constitution", acquiesce ABC en Espagne, son compatriote El Mundo n'hésitant pas à s'écrier que "Le non français plonge l'Europe dans la plus grave crise de son histoire". Car "la raison de voter non la plus risible était celle de croire que ce refus pourrait conduire à une renégociation du Traité", commente, amère, la Reppublica. Ironie du sort, le vote français, qui a rejeté un texte jugé trop libéral, donne de l'eau au moulin de Tony Blair. "Le Royaume-Uni est prêt à abandonner les élections et pense qu'il obtiendra des appuis pour stopper le processus de ratification", titre d'ores et déjà l'édition internationale du Guardian, alors même que Tony Blair ne s'est pas encore exprimé. Sur l'analyse du vote, toute la presse internationale pointe du doigt le président de la République Jacques Chirac, pour lequel le "non" représente une "gifle cinglante", explique par exemple la Tribune de Genève. "C'est une défaite personnelle", confirme le Herald Tribune. Et le Frankfurter Allgemeine Zeitung de rappeler que la défaite du référendum sur les Régions de 1969 avait conduit de Gaulle à la démission. "Le chef de l'Etat n'aura sans doute pas l'audace de son glorieux prédécesseur", indique la Tribune de Genève. "Les Français ont puni le président pour les promesses non tenues", juge la Reppublica. Pour la suite, certains ne se font guère d'illusion. "Jacques Chirac a beau promettre une "nouvelle impulsion", on voit mal d'où celle-ci peut venir", prédit la Tribune de Genève. Reste que le "non" est le signe d'une crise politique majeure plus globale, la même qui avait sanctionné les dernières présidentielles le 21 avril 2002, rappelle la presse italienne. "C'est un avertissement à toute la classe politique, de droite comme de gauche". "Le Parti socialiste sort déchiré de la campagne, écartelé entre deux visions totalement contraires de l'Europe", explique la Tribune de Genève.Le vote français exprime aussi le rejet d'une Europe qui ne s'est que trop éloignée de sa base. "Ce sont les élites, européennes et françaises, qui portent ce poids", incapables de "faire aimer" une Europe qu'elles pratiquent "en vase clos, avec un brin de mépris et un trop plein de technique", juge le Soir, en Belgique. Les Français "ont prononcé un "non"retentissant aux élites européennes qui les gouvernent depuis un demi-siècle", conclut le très conservateur quotidien britannique Daily Telegraph.De l'autre côté de l'Atlantique, un éditorialiste du Wall Street Journal, quotidien peu réputé pourtant pour ses accointances à gauche, donne une analyse un peu différente, dans un article intitulé "Une victoire pour la France", au sein du lequel il assure que le référendum aura eu le mérite de faire naître un débat sur l'Europe depuis bien trop longtemps occulté, en particulier par les bureaucrates européens. "La processus mis en place par la Convention était censé impliquer les peuples d'Europe dans ses travaux, mais en réalité il n'a engendré que des longs discours barbants dans un quasi total anonymat". Et de conclure que "la constitution a obtenu le rejet qu'elle méritait, mais au moins, enfin, elle a fait naître un vigoureux débat sur ce que l'Europe doit faire et comment elle doit le faire - c'est le succès du traité".
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