Fracture numérique, fracture sociale

Le haut débit pour tous, c'est déjà presque fait. A lire le communiqué publié le 4 avril par Gilles de Robien, ministre de l'Equipement, des Transports et de l'Aménagement du territoire, on se dit que décidément, la France a pris un train numérique à grande vitesse: près de 90% des Français disposaient à la fin 2004 d'une possibilité d'accès à l'Internet à haut débit, soit plus de 53,6 millions de personnes. Soit une progression de 20% par rapport à fin 2003 et de 43% par rapport à fin 2002, fait valoir le ministère, qui précise aussi que le nombre de communes couvertes par le haut débit est passé de 7.600 à la fin de 2002 à 25.976 à la fin de 2004. Qui osera encore parler de fracture numérique? "La France a rattrapé le retard qu'elle avait accumulé jusqu'en 2002 en matière d'accès à haut débit", se félicite encore le ministre. "Elle doit poursuivre son effort et tirer parti de ce nouvel atout que représentent les accès et les services à haut débit, pour plus de compétitivité et plus de cohésion sociale sur tous les territoires". Fort bien, sauf que les chiffres peuvent rendre myope. Entre avoir accès et... accéder, il y a un pas qui peut être difficile à franchir.Ainsi, alors que la possibilité d'accès au haut débit bondissait de 20% en 2004, le nombre d'internautes en France n'a augmenté que de 9% et se situait à 24 millions en décembre, selon Médiamétrie, loin derrière les 53,6 millions de connectés potentiels au haut débit. Parmi les 24 millions d'internautes, la moitié avait un accès haut débit. Nul doute que cette proportion continue à croître au vu des données annoncées par Gilles de Robien. Mais comment passer de 24 millions d'internautes, soit moins d'un Français sur deux, à une généralisation de l'usage du réseau dans la population? Quand seulement 45,1% des foyers français sont équipés d'un ordinateur, on voit bien que desservir un territoire par une infrastructure haut débit n'est en aucun cas une réponse suffisante. Les élus locaux, préoccupés, à juste titre, de ne pas laisser leur circonscription à l'écart, ou les gouvernements, qui aiment brandir des objectifs qui marquent les esprits - comme les 10 millions d'abonnés haut débit en 2007 annoncés en 2003 - ont raisonné en termes d'investissement dans les réseaux. Mais à part l'opération "ordinateur à 1 euro par jour" pour les étudiants, l'aide à l'équipement d'un ordinateur n'a pas bénéficié d'un soutien spécifique. Le pouvoir d'achat n'est d'ailleurs pas le seul obstacle. Pour une frange de la population, croissante avec l'âge, un ordinateur reste un objet déroutant. Instaurer des accès à Internet dans des lieux publics, y dispenser un début de formation à son usage: autant d'objectifs que pourraient se fixer les politiques publiques. Réduire la fracture numérique qui sépare des territoires est une avancée. Mais sans grande portée si l'on ne tente pas aussi de réduire une autre fracture numérique, celle qui suit les contours des fractures sociales et culturelles.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.