Echec total à Bruxelles

Le sommet de Bruxelles s'est achevé peu après minuit, dans la nuit de vendredi à samedi, sur un échec total. Près de trois semaines après le coup de tonnerre des non français et néerlandais à la Constitution européenne, l'Union s'est enfoncée un peu plus dans la crise ce week-end en ne réussissant pas à adopter un projet de budget pour les années 2007-2013.Les efforts du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, président en exercice de l'Union, n'ont pas permis de rapprocher les positions. Au coeur du problème figurait la question du rabais dont bénéficie la Grande-Bretagne sur sa contribution aux dépenses communautaires. La plupart des autres pays, la France en tête, réclamaient une remise en cause de ce mécanisme qui voit les sommes remboursées au Royaume-Uni par les autres pays croître au fur et à mesure que les besoins de l'Europe augmentent - et notamment du fait des dépenses liées à l'élargissement de l'Union.Le Luxembourg avait élaboré des propositions selon lesquelles le rabais britannique serait plafonné dans un premier temps, avant éventuellement de diminuer progressivement.Mais Londres ne voulait rien savoir et a tenté de déplacer le débat vers la question de l'Europe agricole. Pour le Premier ministre Tony Blair, la politique agricole commune, qui absorbe 40% des dépenses communautaires, doit être remise à plat si l'on veut revoir le problème de la contribution britannique. Mais cette proposition a été considérée comme inacceptable par la France, première bénéficiaire du budget agricole.AccusationsMalgré des révisions à la baisse des demandes formulées à la Grande-Bretagne, Tony Blair a refusé la moindre concession. Et cela en dépit d'une initiative spectaculaire de dernière minute prise par les nouveaux entrants de l'Union: ces pays les moins développés du continent ont proposé de réduire leurs demandes financières pour permettre de dégager un accord. Mais cela n'a pas suffi. Et au bout du compte, plusieurs pays ont refusé le projet luxembourgeois: la Grande-Bretagne, donc, mais aussi les Pays-Bas, la Suède, l'Espagne et la Finlande."L'Europe est dans une crise profonde", a commenté en pleine nuit Jean-Claude Juncker. Un constat partagé par Jacques Chirac, qui a parlé de "crise grave". Et les accusations ont commencé à voler...Le président français Jacques Chirac s'en est pris à "l'égoïsme affiché par deux à trois pays". Pour les dirigeants français, luxembourgeois et allemands, c'est clairement la Grande-Bretagne qui est la première responsable de l'échec, mais les Pays-Bas sont également montrés du doigt.Jean-Claude Juncker a estimé que la demande britannique de remise à plat de l'ensemble du budget était une façon de provoquer un échec. Quant au chancelier allemand, il a estimé que s'il n'y avait pas eu un accord, cela était dû "uniquement à la position inflexible des Britanniques et des Néerlandais. Ces pays ont une responsabilité devant l'histoire européenne", a-t-il accusé. Débat fondamentalTony Blair, qui se trouve prendre le 1er juillet la présidence de l'Union pour six mois, n'est pas resté sans riposter. Le Premier ministre a défendu sa position, soulignant que "si nous voulons supprimer le rabais britannique, nous devons supprimer la raison pour ce rabais. C'est une anomalie à cause d'une anomalie", a-t-il ajouté, rappelant que 40% du budget européen étaient engloutis par la politique agricole commune. Pour Tony Blair, il n'était pas acceptable que le projet de budget 2007-2013 prévoie de dépenser sept fois plus pour l'agriculture que pour les sciences, la technologie, la recherche, le développement et l'éducation... Maintenant, a-t-il estimé, le moment est bien choisi pour lancer "un débat fondamental" sur l'avenir de l'Europe."Honte"Reste que, si débat il y a, il risque de s'ouvrir dans une ambiance particulièrement délétère, le sommet de vendredi ayant suscité des rancoeurs qui seront difficiles à surmonter. Jean-Claude Juncker n'a par exemple pas dissimulé ses sentiments: "j'ai eu honte lorsque j'ai entendu l'un après l'autre tous les nouveaux pays membres - tous plus pauvres les uns que les autres - dire que dans l'intérêt d'un accord ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences financières. J'ai eu honte", a-t-il répété. Après cet échec radical, l'Union doit désormais affronter une double crise, institutionnelle et financière. La question de la Constitution a été remise à plus tard, les Vingt-Cinq décidant de repousser le délai prévu pour la ratification, sans engager de renégociation. Ce qui ne résout évidemment rien. L'échec des négociations budgétaires met désormais en évidence des divergences radicales sur les objectifs mêmes de l'Union et souligne la montée des égoïsmes nationaux. Et des questions aussi importantes que les nouvelles étapes de l'élargissement sont désormais plongées dans l'incertitude la plus totale.C'est paradoxalement à Tony Blair qu'il va revenir de piloter la réaction collective à cette crise. Cela s'annonce mal: "la présidence britannique présente son programme le 23 juin, je ne serai pas à l'écoute parce que c'est la fête nationale du Luxembourg", a déjà prévenu Jean-Claude Juncker.
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