Fragments de vies

Anne-Marie Springer collectionne la correspondance de personnages célèbre. Elle dévoile une cinquantaine de ces "lettres intimes" dans un superbe ouvrage.

Anne-Marie Springer a la passion de l'écrit. En quelques années elle a bâtit une solide collection de lettres d'écrivains, de scientifiques ou d'hommes politique. Sans réel soucis de cohérence thématique ou historique, des lettres de Diane de Poitiers, Napoléon ou Chopin côtoient des écrits d'Edith Piaf, Einstein ou Elvis Presley. Car cette lectrice assidue fonctionne essentiellement aux coups de coeur.

"Dans ma quête d'autographes, je n'ai pas eu à m'appuyer sur des connaissances historiques, littéraires ou artistiques que je ne me flatte pas de posséder. Seulement j'aime lire, et c'est l'émotion qui émane de ces textes qui peu à peu a tissé la trame de ma collection", explique-t-elle dans la préface du superbe album qui dévoile une cinquantaine de ces "lettres intimes". Chacune d'entre elle est reproduite en grand format et accompagnée d'une notice rédigée par un spécialiste qui explique la relation entre les deux épistoliers et restitue le contexte historique.

Ces deux niveaux de lecture permettent d'entrer dans l'intimité, de voler quelques instants de la vie privée de personnages faits, comme nous, de chair et de sang. Telle cette missive inédite de 1607 d'Henri IV à Marie de Médicis, dans laquelle le Bourbon fait preuve d'une affection surprenante ("je vous donne un million de baisers") quand on connaît les relations orageuses entre les deux époux. Ou celle que Charles Darwin adresse à sa femme Emma alors en voyage à Paris. Le théoricien de l'évolution raconte une journée ordinaire d'un bourgeois de l'époque victorienne, accaparé par des enfants turbulents et des problèmes de plomberie...

L'amitié est aussi le ferment de nombreux échanges épistoliers, telle cette lettre d'Alphonse Daudet à Zola de 1880 dans laquelle l'écrivain provençal rend compte de sa lecture enthousiaste de "Nana" ("Vous êtes un poète mon vieux").

Les plus pathétiques sont assurément celle de Marie-Antoinette destinée au comte d'Artois peu après l'exécution de Louis XVI : prisonnière à la prison du Temple, elle écrit un court message bouleversant sur une bande de papier enroulée autour d'un bouchon de carafe pour le faire parvenir secrètement à son destinataire. Ou celle de Berlioz qui prend la plume pour annoncer "la plus affreuse douleur de ma vie", la mort de son fils unique...

Certaines lettres de cette très belle collection régalent les yeux par leur recherche graphique, à l'image des audaces calligraphiques de Louise de Vilmorin ou du récit de voyage de Théodore Monod dans le sud algérien illustré de plusieurs dessins. La palme de l'originalité revient au plus sulfureux des épistoliers, le marquis de Sade. Prisonnier au château de Vincennes, il écrit à sa femme en 1778 une lettre à double entrée: en clair, un texte sibyllin destiné à tromper la vigilance de la censure et entre chaque ligne, un second texte écrit à l'encre sympathique où il peste contre ses conditions de détention.

"Lettres intimes, une collection dévoilée", de Anne-Marie Springer. Editions Textuel, 240 pages, 50 euros.

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