Les professionnels s'unissent pour enrayer le déclin du nombre de points de ventes

Dans un climat de crise, l'ensemble des acteurs de la presse écrite se sont réunis en congrès à Strasbourg ce week-end. Ils se sont accordés pour réformer leur système de distribution trop coûteux, freiner la fermeture des marchands de journaux et tenter de conquérir de nouveaux lecteurs.

Alors que l'audiovisuel vient de connaître sa énième loi, la presse écrite elle, reste toujours régie par la bonne vieille loi de Bichet datant de... 1947. Cette loi, qui assure notamment le droit à tout éditeur d'être distribué, a donné naissance au système collectif de distribution de la presse assurée par deux coopératives, les NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne) et MLP (Messageries lyonnaises de presse).

Mais si le système français se caractérise par son efficacité et un coût de distribution peu élevé (36% du prix d'un titre en moyenne contre 48% en Grande-Bretagne), il s'illustre aussi par la faible rémunération des diffuseurs de presse (marchands de journaux et kiosquiers). De 13% à 15% du prix d'un titre en France, contre 23% en Espagne et même 26% au pays où les quotidiens sont rois, la Grande-Bretagne. Conséquence, les points de ventes de journaux tirent un a un le rideau au rythme de 500 fermetures par an, au grand dam de la presse payante.

Par ailleurs, les quotidiens ont pris de plein fouet l'arrivée de titres comme "20 Minutes" et "Metro" qui non seulement sont gratuits mais pis encore, sont distribués directement dans la main du lecteur.

Réunis à Strasbourg à l'occasion du 15ème Congrès européen de la presse française, éditeurs de presse magazine comme de quotidiens, diffuseurs et distributeurs de presse ont promis ce week-end de tout faire pour que les choses changent. Ils ont fait voeu de s'unir pour relancer les points de vente. Une prise de conscience tardive qui peut laisser sceptique sur l'avenir quand on sait qu'entre 2000 et 2006, la vente en kiosques des quotidiens a chuté de plus de 30% !

Reste que quand elle se sent vraiment menacée, la profession finit par se mobiliser. L'an dernier, elle s'est battu en faveur des kiosquiers parisiens qui fermaient un par un et aujourd'hui, le phénomène s'est inversé: de nouveaux kiosques voient le jour dans la capitale.

Reprenant l'appel de l'Union des diffuseurs de presse (voir la Tribune du 20 novembre), tous les éditeurs se sont accordés à dénoncer la trop faible rémunération des marchands de journaux. Prêchant pour sa paroisse, Francis Morel, directeur général du Figaro mais également président du Syndicat de la presse quotidienne nationale, a d'emblée prévenu que les quotidiens n'avaient pas les moyens de voir leurs tarifs de distribution augmenter.

La plupart doivent digérer les lourds investissements réalisés dans la modernisation de leurs outils industriels. Mais il n'a pas hésité à déclarer devant l'assemblée de professionnels réunis pour l'occasion qu'il "serait temps de donner un peu d'air à la loi Bichet". "Il faut rémunérer de façon différente les diffuseurs, selon qu'il s'agit de grandes surfaces, de maisons de presse, de petits marchands de journaux de quartier", a-t-il insisté.

De même, les éditeurs ont pointé la nécessité de rouvrir des magasins adaptés à la demande des lecteurs. "Il faut développer très vite des points de vente spécialisés dans la presse quotidienne, des points de vente de proximité qui proposeraient seulement un petit nombre de titres", a estimé Rémy Pflimlin, directeur général des NMPP. Et d'expliquer que la messagerie testait actuellement l'ouverture de points de ventes spécialisés dans des jardineries ou des magasins de bricolage.

"La grande distribution n'est pas un gros mot", a ajouté un brin provocateur Arnaud de Puyfontaine, le patron de Mondadori France, alors que la moitié de la presse magazine est distribuée par ce biais aux Pays-Bas, contre seulement 5,5% en France.

Si les éditeurs ont une fois de plus promis une forte mobilisation, la proposition la plus concrète est venue de Jean-Paul Bailly, le président de La Poste. Son groupe qui, on l'oublie souvent, fait partie des plus gros distributeurs de la presse française puisqu'il achemine tous les journaux par abonnement, songe à vendre des journaux dans ses bureaux. "Nous sommes prêts à regarder si dans certaines circonstances et dans des conditions à définir, la distribution de journaux dans les bureaux de poste ne ferait pas sens", a-t-il déclaré.

"Ces dispositions devront être examinées localement. Si on le fait, ce sera pour aider, pas pour se positionner en concurrent", a ajouté le président de la Poste. A compter de 2007, La Poste va par ailleurs expérimenter la "distribution de presse par portage", a indiqué le président, sans plus de précisions, ajoutant qu'une annonce sur le sujet serait faite "très rapidement". L'activité presse pour la Poste est une mission de service public qui lui coûte cher puisqu'elle représente un déficit annuel de 500 millions d'euros, déduction faite des aides de l'Etat. "Une situation pas durablement soutenable", a estimé Jean-Paul Bailly.

Enfin, si Arnaud Lagardère, propriétaire d'Hachette Filipacchi Médias, premier éditeur mondial de presse magazine, n'était pas présent à Strasbourg, son ombre a plané sur le congrès. Quelle va être la politique du groupe Lagardère vis-à-vis des NMPP - dont il est l'opérateur avec 49% du capital - après le départ de Gérald de Roquemaurel, ancien président d'HFM, le 1er janvier prochain ? Beaucoup de professionnels s'interrogent sur la volonté d'Arnaud de céder cette participation qui lui rapporte tout de même 17 millions d'euros par an. Mais la distribution de la presse n'est pas vraiment sa tasse de thé...

"Les NMPP ont la chance d'avoir un actionnaire-opérateur dont je suis sûr qu'il sera là dans les années à venir et qu'il fera les investissements nécessaires", a lancé, dans une allusion à peine voilée, Francis Morel, le patron du Figaro.

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