2006 marque un virage pour la philanthropie

La limite entre le monde des affaires et celui de la charité s'estompe, ce qui apporte un nouveau dynamisme à la philanthropie. Grâce aux performances boursières et à la hausse des salaires, les dons devraient encore grimper en 2006 outre-Atlantique.

Le milliardaire Warren Buffett a défrayé la chronique en 2006. L' "Oracle d'Omaha", comme il est surnommé, a annoncé en juin dernier son intention de verser quelque 31 milliards de dollars, soit 23,6 milliards d'euros, à des organisations caritatives dirigées par Bill Gates. Non seulement ce don porte sur plus de 80% de sa fortune, ce qui constitue la plus grosse donation individuelle jamais réalisée aux États-Unis, mais son geste est particulièrement humble, puisqu'il n'exige pas que l'une des organisations porte son nom.

Egalement cette année, Bill Gates a déclaré qu'il se consacrerait entièrement à sa fondation à partir de 2008. Et pour mettre fin à la logique de "perpétuer son nom grâce aux donations", dans le sillage de son ami, il a indiqué que ses dons devraient être entièrement dépensés dans les 50 ans suivant le décès du dernier de ses trois administrateurs.

Selon Nigel Harris, président du cabinet de conseil en donation New Philanthropie Capital, interrogé par le Financial Times, le profil type du donateur est de plus en plus souvent celui d'un financier relativement jeune, qui a fait fortune, sans nécessairement provenir d'un milieu aisé. Nigel Harris constate également que ces généreux "self made men" souhaitent gérer eux-mêmes leurs dons. Une tradition quasi ancestrale puisqu'il en était de même pour les pionniers du genre tels que Cadbury, Rowntree et Wellcome. "Aujourd'hui, les Européens s'y mettent aussi, alors que pendant des décennies ils comptaient sur l'Etat providence pour jouer ce rôle social", relève Nigel Harris.

Autre tournant important: l'efficacité des programmes est aujourd'hui regardée de plus près. Ainsi, l'une des organisations caritatives de Bill Gates vise à collaborer avec des groupes aussi bien publics que privés pour commercialiser des médicaments avec un but lucratif limité. La limite entre le monde des affaires et celui de la charité s'efface un peu: c'est la "philanthropie hybride", explique le Financial Times. Ainsi, le fonds britannique Children Hedge Fund alloue explicitement une partie de ses profits à des fins caritatives. De même, Google.org s'est détourné du non lucratif pour se consacrer au développement de projets commerciaux à des fins sociales.

Mais d'aucuns s'interrogent sur le caractère charitable de certains programmes, tels que celui de Richard Branson, qui consacre 3 milliards de dollars aux énergies renouvelables, à travers la "Clinton Global Initiative", mais dans un cadre entièrement lucratif. Se pose bien sûr ensuite le problème des exonérations fiscales liées aux activités prétendument philanthropiques qui ne le sont pas. Autre inquiétude, contrairement à celle de Bill Gates qui se consacre beaucoup à la santé, les donations sont le plus souvent tournées vers la religion, la culture ou l'éducation. Les pauvres ne reçoivent donc qu'une petite part du gâteau.

Les élans de générosité cette année devraient outrepasser ceux de l'an dernier outre-Atlantique. Deux indicateurs avancés le confirment. Non seulement les salaires ont continué de grimper (le pouvoir d'achat des ménages a encore augmenté de 0,3% en novembre après 0,4% en octobre), mais les indices boursiers affichent une belle performance: le Dow Jones a grimpé de près de 16% sur un an, le S&P 500 affiche une hausse de 14% tandis que le Nasdaq, l'indice phare des valeurs technologiques à la Bourse de New York, a gagné 9%. En 2005, les dons aux États-Unis, pays traditionnellement le plus généreux au monde, ont atteint la somme de 260 milliards de dollars, dont 77% sont le fait des particuliers.

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