Une veuve d'époque

L'opérette de Franz Lehar, "La Veuve joyeuse", est montée sans gaieté par Macha Makeïeff à l'Opéra de Lyon.

Il n'y a pas de Noël sans sa "Veuve joyeuse". Après celle, passablement lourdingue, de Savary à la salle Favart, l'an dernier, c'est au tour de l'Opéra de Lyon de se coller à l'opérette rebattue du Viennois Franz Lehar. Disons tout de suite que cette veuve lyonnaise donnée en français n'a rien de joyeux.

Autre théâtreuse convertie à l'opéra, Macha Makeïeff a mis un point d'honneur à la replacer, un peu laborieusement, dans son cadre physique et idéologique d'origine. A savoir la Vienne du début du siècle dernier, celle de Freud et de Schnitzler, autant dire celle où le divertissement n'a rien d'innocent.

De fait, la Marsovie, dont est censée être originaire la veuve en question, est une principauté de psychopathes irresponsables qui l'ont mise au bord de la faillite. Les dépôts de la riche et belle héritière à la banque nationale de ce pays d'opérette - c'est le cas de la dire! - sont les seuls soutiens de l'économie, il faut donc qu'elle y reste et épouse un de ses concitoyens.

Il y a bien un prétendant tout désigné en la personne du comte Danilo, attaché d'ambassade à Paris, mais ils se sont aimés naguère et leurs rapports ont viré depuis au sado-maso. Insensible à la griserie de "L'heure exquise", Macha Makeïeff n'a de cesse de pointer la misogynie de cette société de dépravés et de casser l'euphorie qui pourrait naître d'un raccommodage entre les deux amants terribles qui a pour théâtre le Paris de la Belle époque.

Plus attentive à l'atmosphère qu'à la direction d'acteurs, elle a conçu trois univers visuels très tranchés pour chacun des trois actes de l'opérette. Au premier, l'ambassade de Marsovie à Paris a le pittoresque sinistre de la Syldavie vue par Tintin dans le "Sceptre d'Ottokar". A l'acte suivant, nettement plus graphique, les arabesques à la Gustav Klimt des tapisseries servent de décor aux tentatives d'approches. Pour le troisième et dernier acte, supposé se situer chez "Maxim's" et s'achever en apothéose par un cancan endiablé, on est dans un bastringue genre Bal Tabarin où se démènent des gigolettes faméliques qu'on dirait croquées par Toulouse-Lautrec.

La direction musicale de Gérard Korsten n'engendre pas non plus la franche gaieté. Familière de Mozart, Véronique Gens campe une veuve vocalement irréprochable mais scéniquement pataude, se contentant pour occuper l'espace de faire les moulinets avec les bras. A l'année prochaine!


Opéra de Lyon, jusqu'au 1er janvier 2007, tél. 08 26 30 53 25, www.opera-lyon.com

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