L'Amérique du photographe Serrano en Avignon

La collection Lambert en Avignon rend hommage à Andres Serrano, l'un des pionniers de la photographie plasticienne. Une gigantesque rétrospective.

New York, 1989. Le musée de Brooklyn, rare musée public des Etats-Unis, passe commande à Andres Serrano, l'un des pionniers de la photographie plasticienne. En cette fin de décennie, le sida fait rage, décimant nombre d'amis de l'artiste. Ce dernier choisit alors de travailler sur les fluides, jadis appelées humeurs, vecteurs de la maladie. Et signe une superbe image d'un crucifix illuminé par une lumière orangée aussi douce qu'irradiante. Sauf qu'elle a été réalisée en trempant l'objet liturgique dans de l'urine.

Chose rarissime aux Etats-Unis, le scandale gagne le Sénat et la Maison Blanche. L'oeuvre est interdite d'exposition parce que jugée non "politiquement correct", une expression employée pour la première fois. Cela n'empêche heureusement pas Serrano de continuer à travailler, jusqu'à s'imposer comme l'un des plus grands artistes new-yorkais de son temps. L'un des plus politiques aussi dont le travail, passionnant, n'est jamais gratuit. Ce que témoigne la magnifique rétrospective que lui consacre la collection Lambert en Avignon.

"J'ai commencé par étudier aux Beaux-arts de Brooklyn", explique Serrano. "Mais la peinture ne me permettais pas d'obtenir ce que je souhaitais. Ma copine avait un appareil photo. J'ai compris que je pouvais m'en servir pour faire de l'art". La peinture, cet Afro-hispanique n'a jamais cesser de lui tourner autour, réinterprétant l'histoire de l'art, et plus spécifiquement l'iconographie religieuse, à l'aune de ses propres codes.

Comme pour cette piéta dans laquelle sa femme porte une énorme carpe dans les bras, posant devant un fond ténébreux à la Rembrandt. Ou encore ces images de cadavres, à la morgue, qui renvoient notamment aux tableaux de Mantegna. Mais Serrano va plus loin encore.

Portraits de membres du Ku Klux Klan, clochards noirs magnifiés... ses oeuvres dessinent un extraordinaire portrait de l'Amérique. Ce travail atteint son apogée avec la série "America", réalisée au lendemain du 11 septembre 2001, aujourd'hui composée de 160 portraits d'hommes et de femmes symbolisant les Etats-Unis, telle cette survivante d'Auschwitz, l'écrivain Arthur Miller, un pompier new-yorkais ou un néo-nazi. "Il ne s'agit pas là d'une simple célébration des Etats-Unis, rectifie l'artiste, mais d'un regard au microscope porté sur mon pays". Un hommage critique.


Andres Serrano, la part maudite. Collection Lambert en Avignon, 5 rue Violette, 84 000 Avignon. Tél: 04 90 16 56 20.
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 11h à 18h. Entrée: 5,5 euros. Jusqu'au 11 février. www.collectionlambert.com

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