L'AMF ouvre une enquête sur le projet d'OPA du groupe suisse Center-Tainment sur Euro Disney

Jusque là inconnu, le groupe suisse Center-Tainment, basé dans le canton de Zoug, a confirmé jeudi matin vouloir lancer une offre hostile sur la société Euro Disney. Une présentation totalement imprécise, dénuée d'éléments financiers concrets. Les dirigeants de Center-Tainment paraissent bien mal connaître leur cible et ses particularités capitalistiques. Pour sa part, l'AMF a annoncé l'ouverture d'une enquête.

C'est à la limite du surréalisme. La société suisse Center-Tainement, cotée à Francfort depuis le mois de septembre, est venue en force ce jeudi matin présenter à Paris son "projet" d'acquisition du parc de loisirs français en grande difficulté financière, Euro Disney.

Totalement inconnue, cette société avoue s'être introduite en Bourse dans l'unique but de lancer une offre d'achat sur Euro Disney. En revanche, impossible d'en savoir beaucoup plus sur ses activités et ses actionnaires. Hormis cette intention de se lancer dans "le loisir" par le biais de l'offre sur Euro Disney, les dirigeants et autres conseillers sont incapables de présenter le moindre projet industriel, ni financier, pour mener à bien l'opération.

Pas d'actifs

Véritable coquille vide, Center-Tainement ne dispose d'aucun actif tangible. "Nous détenons un concept", tente d'expliquer Kurt W. Andeersen, "investment banker" de la société. Bafouillant, peu sûr de lui, et encore moins de ses chiffres, il indique laborieusement que le groupe "a pris contact" avec Walt Disney, pour prendre le contrôle de 50,01% d'Euro Disney. En revanche, on n'en saura pas plus sur le "concept" salvateur et révolutionnaire visant à développer le parc à thèmes français.

Se référant à un unique schéma "power point" visant à détailler l'opération, Kurt W. Andeersen indique que le groupe Walt Disney disposera de 39,78% du capital d'Euro Disney et que le solde de la société sera détenu par "les anciens actionnaires". "Notre objectif est de prendre 50,01% du capital de la société", ajoute le financier.

Un détail toutefois a manifestement échappé aux "prédateurs": la société Euro Disney est gérée en commandite, ce qui donne le pouvoir à Walt Disney, sans avoir à détenir la majorité du capital. Alerté à ce sujet, Center-Tainement étudiera la question.

Par ailleurs, Center-Tainement, dont le projet industriel et financier suscite autant le scepticisme que l'incrédulité, indique avoir "pris contact" avec Walt Disney... Mais le groupe américain n'a toujours pas donné suite à ses demandes de rendez-vous... Un manque de communication des plus gênant pour l'acquéreur potentiel, qui risque, en cas de désaccord de Walt Disney, de perdre les licences Disney, tout en ne contrôlant pas la société...

Financement obscur

Oscillant entre le burlesque et la mascarade, la présentation de Center-Tainement a aussi laissé les journalistes et quelques analystes présents dans le salon de l'Hôtel Littré à Paris sur leur faim côté "conditions financières" de l'offre.

Le groupe suisse indique vouloir financer celle-ci par échange d'actions. La parité, quant à elle, semble des plus aléatoires. Interrogé sur la question, Kurt W. Andeersen - qui semble d'ailleurs mieux connaître la société que son discret CEO (PDG), Ulf H. Werner - finit par "sortir" le chiffre de 200 actions Euro Disney contre 1 action Center-Tainement... Euro Disney cote à 9 centimes d'euros tandis que Center-Tainement affichait ce matin un cours de 13 euros à Francfort.

Mais là encore... rien n'est sûr. "Le cours de Center-Tainement aujourd'hui n'est pas celui de demain", lance Kurt W. Andeersen. Et pour cause. Le volume de transaction du titre de la société est de l'ordre de 700 titres par jour... De quoi effectivement peser sur la volatilité du titre. Center-Tainement dispose d'une capitalisation boursière de 130 millions d'euros.

En tout état de cause, le groupe doit encore régler les problèmes légaux de communication auprès de l'AMF (l'Autorité des marchés financiers). Selon les différents représentants de Center-Tainement, le dépôt de dossier pourrait intervenir aujourd'hui ou demain. Incrédule, un analyste assistant à la présentation explique: "ils devront rendre des comptes à l'AMF. Là, ça ressemble à de la manipulation de cours".

Une intervention pour le moins prophétique car dans la foulée de cette conférence de presse, l'Autorité des marchés financiers a de fait indiqué avoir "ouvert une enquête". Par ailleurs, un porte-parole de l'institution a déclaré que la société suisse n'avait déposé aucun dossier à l'AMF sur son projet d'OPE, sans donner d'autres précisions.

Alerté dès mercredi de ce projet d'offre, la direction d'Euro Disney avait indiqué "être au courant des rumeurs d'OPA" mais ajoutait "qu'il n'y a pas de discussions sur les modalités de l'offre" avec le groupe suisse. "En dépit de nos demandes auprès de cette société, nous n'avons pas pu recueillir d'informations tangibles sur cette dernière", soulignait Euro Disney dans un communiqué publié mercredi soir.

"La direction d'Euro Disney reste concentrée sur la bonne marche quotidienne de l'entreprise ainsi que sur sa stratégie de croissance à long terme, et demeure déterminée à faire progresser Euro Disney dans la lignée des résultats de l'année écoulée", poursuivait le groupe.

Contacté par latribune.fr, Euro Disney confirme par ailleurs qu'il n'a pas été contacté par Center-Tainment.

Euro Disney a essuyé sur son exercice 2005-2006 une perte nette de 73,1 millions d'euros, malgré une fréquentation en hausse de 4,1% à 12,8 millions de visiteurs.

En Bourse, après avoir flambé de 28% mercredi, Euro Disney (dont le titre baissait jeudi matin de 11%) a été ensuite suspendu de cotation. Center-Tainement, pour sa part, chutait de 65% à 7 euros...

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