Chirac décide de rapatrier le Clemenceau

Le Conseil d'Etat ayant tranché en faveur d'un gel du transfert du navire à l'Inde en vue de son démantèlement, le chef de l'Etat préfère arrêter les frais et le faire revenir en France. Pour Jacques Chirac, il s'agit de sauver la visite d'Etat qu'il effectue en Inde à partir de dimanche.

Le Clemenceau va rentrer en France: c'est ce qu'a décidé en début d'après-midi le président de la République, suite à la décision du Conseil d'Etat de suspendre l'envoi du porte-avions en Inde. Une mesure qui devrait permettre de dégager l'atmosphère à la veille de la visite officielle de Jacques Chirac à New Delhi.

Les événements se précipitent, dans la saga du Clemenceau. Le Conseil d'Etat français, qui étudiait depuis le début de la semaine le dossier du transfert en Inde de cet ex-fleuron de la marine française promis au démantèlement, a rendu son arrêt en début d'après-midi: "La décision de transférer le Clemenceau en Inde en vue de son désamiantage (est) suspendue", a décidé le Conseil, qui statuait en référé.

Le Conseil d'Etat s'est prononcé à la demande de quatre associations spécialisées dans la protection de l'environnement, le Comité anti-amiante Jussieu, l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, Ban Asbestos et Greenpeace-France. Pour ces associations, le navire contient encore beaucoup trop d'amiante et son envoi en Inde serait dangereux pour la santé des ouvriers chargés de le démanteler et contraire aux traités régissant le transfert international de produits dangereux.

Une telle décision du Conseil d'Etat était attendue depuis que, lundi dernier, le commissaire du gouvernement (un magistrat indépendant chargé de dire le droit, et qui n'exprime pas la position du gouvernement français) s'était prononcé pour la suspension de l'envoi du Clemenceau en Inde. Selon lui, en effet, les "doutes" qui pèsent "sur la présence d'une importante quantité d'amiante" dans le navire suffisent à justifier le gel du transfert. Reste que la décision du Conseil d'Etat est un simple référé, c'est à dire une mesure conservatoire, en attendant un jugement sur le fond. Celui-ci sera prononcé par le tribunal administratif de Paris, mais la procédure pourrait prendre quelque six mois.

Le président de la République n'a en tout cas pas perdu de temps pour réagir à la décision du Conseil d'Etat. L'Elysée a fait aussitôt savoir que Jacques Chirac avait décidé le rapatriement du navire. Celui-ci se trouve actuellement en pleine mer dans l'océan Indien. Le président de la République veut également faire réaliser une contre-expertise pour "établir de manière incontestable les quantités d'amiante et d'autres substances encore présentes sur le navire". Dans l'immédiat, le navire sera "placé dans les eaux françaises dans une position d'attente qui offre toutes les garanties de sécurité, jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée pour le démantèlement".

Visite à New Delhi

Avec cette décision, le président veut donner un coup d'arrêt à une affaire qui prenait de jour en jour une tournure de plus en plus mauvaise, et qui risquait de gâcher sérieusement la visite d'Etat que - coïncidence malencontreuse - il effectue en Inde à partir de dimanche prochain. Cette décision prise par la France pourra peut-être éviter que la Cour suprême indienne ne décide elle-même en fin de semaine une interdiction d'arrivée du navire. Cela dit, en désamorçant dans l'immédiat le dossier du Clemenceau, le chef de l'Etat n'élimine que l'un des deux sujets actuels de contentieux entre la France et l'Inde: sa visite à New Delhi pourrait bien être également assombrie par l'OPA lancée par le géant de l'acier Mittal, contrôlé par l'Indien Lakshmi Mittal. Cette offre hostile a suscité initialement de vertes critiques dans les milieux gouvernementaux français, ce qui a été fort mal pris en Inde et a amené les autorités françaises à adoucir leurs prises de position (voir ci-contre).

En ce qui concerne le Clemenceau, le rapatriement en France ne met pas pour autant un terme à l'affaire. Car il faudra bien décider ultérieurement quoi faire de ce navire, pour le démantèlement duquel il n'y a pas de chantier français ou européen bien équipé. Et il faudra aussi tirer au clair le rôle de la société de désamiantage Technopure, contre laquelle le ministère de la Défense a saisi la justice hier, la soupçonnant d'irrégularités.

Mais dans l'immédiat, le navire va entamer un périple de trois mois: selon la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, il va maintenant revenir au port militaire de Brest en passant par... le cap de Bonne-Espérance! On se souvient que lors de son voyage aller, les autorités égyptiennes avaient fait les plus grandes difficultés pour laisser passer le Clemenceau par le canal de Suez. Voilà qui laissera en tout cas le temps aux autorités française de trouver une solution définitive pour le navire.

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