Le Liban s'enfonce dans la crise

Au neuvième jour du conflit qui oppose Israël au Hezbollah, les destructions et le nombre de victimes au Liban ne cessent de s'alourdir, laissant poindre une grave crise sanitaire. Le premier ministre libanais, Fouad Siniora, crie sa colère et appelle la communauté internationale au secours.

La journée de mercredi a été la plus meurtrière au Liban depuis le lancement de l'offensive israélienne. Au moins 72 civils ont péri sous les bombardements. Un raid de Tsahal contre le village de Srifa dans le sud du pays a tué 17 civils dont des enfants et fait plus de trente blessés. Ce ne sont pas moins de deux villages des collines aux environs de Tyr qui ont été bombardés en représailles à des tirs de roquettes. L'est du Liban n'a pas été épargné non plus.

Côté israélien, ce sont deux enfants qui ont été tués par l'explosion d'une roquette à Nazareth, dans le nord d'Israël. De nouveaux tirs de roquettes ont également eu lieu sur la ville portuaire de Haïfa.

Avant l'aube, l'aviation israélienne a attaqué un bunker occupé par des dirigeants du Hezbollah dans le quartier de Bourj Barajneh, au sud de Beyrouth. Une vingtaine d'avions y ont largué 20 tonnes de bombes. Mais le Hezbollah a affirmé qu'aucun de ses dirigeants n'a été touché lors de cette attaque. Selon le "parti de Dieu", l'objectif visé est en réalité une mosquée en construction et non un bunker abritant des responsables du mouvement. L'aviation a également bombardé le quartier général du Hezbollah, déjà en ruine, dans la banlieue du sud de Beyrouth. Un autre siège a été visé à Baalbeck où deux civils ont été blessés et un pont à Hermel.

Selon l'AFP, deux journalistes étrangers de télévision qui étaient en train de filmer jeudi dans un quartier du centre de Beyrouth ont été enlevés par des membres du parti chiite Hezbollah.

Les bombardements meurtriers de l'armée israélienne qui ont mis le Liban à feu et à sang n'ont cependant pas empêché le Hezbollah de tirer près d'un millier de roquettes, atteignant tout le nord d'Israël et plaçant un million d'Israéliens sous menace permanente. Le politologue Shaoul Mishal dresse un constat mitigé de l'offensive. "Le Hezbollah semble tenir le coup et son moral semble intact", estime ce spécialiste des mouvements islamiques de l'université de Tel-Aviv. "Il est illusoire de croire qu'on pourra détruire par la seule force des armes un mouvement comme le Hezbollah qui dispose d'un large appui auprès des chiites au Liban, soit quelque 40% de la population", estime-t-il. Comme d'autres experts, il estime que la seule issue à la crise est "le déploiement d'une force internationale avec un mandat élargi" après un accord avec le Liban. Un tel déploiement a été proposé par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan.

Kofi Annan a d'ailleurs présenté aujourd'hui, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, les éléments d'un plan visant à résoudre la crise, basé sur les conclusions de la mission qu'il a dépêchée dans la région. Selon ce plan, les soldats israéliens capturés seraient transférés aux autorités légitimes libanaises, sous la protection du Comité international de la Croix Rouge, avant un rapatriement dans leur pays. Le secrétaire général prévoit également le déploiement d'une force de maintien de la paix du côté libanais afin de stabiliser la situation. Enfin, il a appelé à la convocation d'une conférence internationale sur le Liban afin de mettre au point un calendrier pour l'application des résolutions des Nations unies, notamment le désarmement du Hezbollah. La résolution 1559 prévoit le désarmement de toutes les milices au Liban et le rétablissement de l'autorité du gouvernement libanais sur l'ensemble de son territoire.

Kofi Annan devait ensuite s'entretenir avec le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure Javier Solana, ainsi qu'avec la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice dont le pays refuse pour le moment de pousser Israël à cesser son offensive s'il n'y a pas en même temps de désarmement du Hezbollah

Selon des responsables américains cités par la presse américaine, Washington, inquiet du nombre élevé de victimes civiles, commence à envoyer des signaux à Israël pour lui faire savoir que son soutien à son opération au Liban ne sera pas illimité. Sur le terrain, les protagonistes directs, Israël et le Hezbollah, ont averti que le conflit n'avait pas de limite dans le temps.

Le président et le Premier ministre libanais, Emile Lahoud et Fouad Siniora, ont appelé hier à un cessez-le-feu, accusant Israël de perpétrer un massacre et de faire vivre au pays un enfer. Fouad Siniora a également exhorté les grandes puissances à aider le Liban à "désarmer le Hezbollah qui est devenu un Etat dans l'Etat". "Ce n'est un secret pour personne que le Hezbollah répond aux agendas politiques de Damas et de Téhéran", a-t-il déclaré au quotidien italien Le Corriere della Sera.

Une situation sanitaire alarmante

Selon le ministre libanais des Finances, Jihad Azour, "l'offensive israélienne a déjà infligé au pays des dégâts évalués à plusieurs milliards de dollars". "Il est cependant impossible d'évaluer précisément les dégâts parce que les destructions augmentent d'heure en heure, ils continuent à bombarder les maisons, les ponts, les infrastructures, les usines, les dépôts et même les camions", a-t-il ajouté.

Cette offensive qui a déjà fait plus de 320 morts au Liban, a poussé plus de 500.000 habitants à un exode massif, laissant craindre une grave crise sanitaire. Fouad Siniora a appelé la communauté internationale lors d'une intervention télévisée à intervenir, réclamant une aide d'urgence pour les réfugiés. "J'espère que vous ne nous abandonnerez pas", a-t-il déclaré. Face à cette situation, la Commission européenne a annoncé le déblocage de 10 millions d'euros d'aide humanitaire en faveur du Liban.

L'aide qui transitera par des ONG, des agences des Nations Unies, la Croix Rouge et le Croissant Rouge, est notamment destinée à l'approvisionnement en eau, tentes, nourriture et assistance médicale pour les personnes déplacées. Reste un problème, celui de l'acheminement de cette aide. Le porte-parole du commissaire européen à l'Aide humanitaire, Louis Michel, a appelé "les belligérants de chaque bord à respecter leur obligation en matière de droit international humanitaire", avec l'ouverture de corridors pour permettre l'acheminement.

Pour le quatrième jour consécutif, l'évacuation d'Occidentaux se poursuit au Liban. Aujourd'hui, le départ de 500 ressortissants français est prévu depuis le port de Tyr. Les Américains ont également organisé l'évacuation de leurs ressortissants via le port de Dbayé, à 10 kilomètres de Beyrouth.

Sur le front sud d'Israël, la situation est également loin de se calmer. Tsahal poursuit depuis 25 jours une offensive d'envergure afin de retrouver un soldat enlevé. Dans la bande de Gaza, un Palestinien a été abattu par l'armée israélienne. Plus de 95 palestiniens ont déjà trouvé la mort.


L'Iran veut poursuivre l'enrichissement d'uranium
Téhéran a réaffirmé aujourd'hui sa volonté de poursuivre ses activités d'enrichissement d'uranium et met en garde contre l'adoption par le Conseil de sécurité d'une résolution visant à limiter ses droits dans le nucléaire. Dans un communiqué, le chef du nucléaire iranien, Ali Larijani, a déclaré que le pays donnerait sa réponse le 22 août à l'offre des grandes puissances qui est toujours à l'étude. Cette offre comprend des mesures incitatives, notamment en matière économique et nucléaire mais est subordonnée à la suspension des activités d'enrichissement d'uranium par Téhéran. "La République islamique d'Iran, conformément au plan établi, pour produire du combustible nécessaire pour 20.000 mégawatts d'énergie nucléaire d'ici 20 ans, a décidé la production d'une partie de son combustible nucléaire en Iran même et essaie de produire le combustible nécessaire", affirme le communiqué d'Ali Larijani, diffusé par la télévision d'État. "Si le chemin de la confrontation est choisi à la place de celui du dialogue, et en cas de toute action pour limiter le droit absolu du peuple iranien, la République islamique d'Iran n'aura d'autre choix que de réviser ses politiques nucléaires", ajoute le communiqué. Les Occidentaux soupçonnent Téhéran de vouloir se doter de l'arme atomique sous couvert de son programme nucléaire civil, ce que l'Iran dément. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne ont tenu aujourd'hui de nouvelles consultations informelles sur la crise nucléaire iranienne, sans parvenir à se mettre d'accord sur le texte d'une résolution exigeant un arrêt de l'enrichissement d'uranium.

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