"Fragmenté par catégorie, le CNE perd de son efficacité"

Après la création du Contrat Nouvelle Embauche l'été dernier, Dominique de Villepin vient d'annoncer une série de mesures pour l'emploi des jeunes et des seniors, avec notamment la création du Contrat Première Embauche, sorte de CNE adapté aux jeunes pour toutes les entreprises. Si elle plaide en faveur du CNE et d'une plus grande flexibilité du travail, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, souligne les effets pervers des fragmentations catégorielles.

latribune.fr - Que pensez-vous de la politique de Dominique de Villepin en matière d'emploi ?

Sophie de Menthon - Les initiatives du Premier ministre sont positives. Le CNE, contrat à durée déterminée assorti de deux ans de période d'essai réservé aux petites entreprises, est un acte vraiment incitatif à valeur pédagogique extrêmement importante. Il faut faire comprendre que pour engager, les entreprises doivent être libres de se désengager.

Etes-vous également favorable au CPE, sorte de CNE étendu à toutes les entreprises pour les moins de 26 ans ?

Etendre la possibilité du CNE à toutes les entreprises, en la limitant peut-être en nombre pour les très grandes, serait certainement une bonne idée. En revanche, découper le CNE par tranche d'âge n'est pas une solution. Les chefs d'entreprises ont du mal à s'y retrouver, entre les avantages à embaucher les personnes de certains âges, venant de quartiers difficiles, etc... Et en définitive, les emplois ainsi créés se font au détriment d'autres catégories. Sans croissance, le CPE ne permet pas de création d'emploi, au contraire du CNE qui apporte une réelle flexibilité. Sans compter que ces mesures renforcent la réputation de "chasseurs de primes" des patrons: les vieux en promotion, deux femmes pour une, les jeunes en solde...

Comment en est-on venu à devoir "solder" les jeunes pour les vendre aux entreprises ?

Ce constat montre bien que le problème n'est pas pris à sa source. Si les entreprises acceptent de recruter des jeunes uniquement s'ils sont bon marché, c'est parce qu'elles vont devoir les former. L'Education nationale ne remplit pas sa mission. Le gouvernement propose des allègements aux entreprises pour qu'elles embauchent des jeunes, moins rentables, et remplissent à sa place le travail de formation.

Que faut-il faire pour que les jeunes arrivent opérationnels sur le marché de l'emploi ?

Les mesures doivent être prises dès le secondaire. Pour commencer, les professeurs devraient faire des stages en entreprise pour connaître cet environnement, et réfréner leur hostilité pour des matières qu'ils ne considèrent pas comme "nobles". Nombre de cursus universitaires devraient prévoir l'enseignement de tâches concrètes de l'entreprise, comme l'élaboration de business plans, l'anglais des affaires, etc... Dans les pays anglo-saxons et scandinaves, les élèves sont sensibilisés beaucoup plus tôt à la vie professionnelle.

Que pensez-vous des filières professionnelles ?

Elles ont été beaucoup dépréciées. Alors qu'il y a quelques décennies, la France pouvait se targuer d'une tradition et d'un savoir-faire artisanal exceptionnels, les spécialistes du luxe et de la maroquinerie sont aujourd'hui obligés de créer leur propre école. Résultat, les Italiens nous devancent désormais dans le luxe et la mode. Seules les professions intellectuelles sont valorisées en France, au mépris des métiers manuels.

Que pensez-vous de la contribution Delalande, qui sanctionne les licenciements des plus de 50 ans, remise en question par le gouvernement ?

La suppression de cet amendement n'a que trop tardé. Les effets pervers de cette soi-disant mesure de protection sont évidents. Sanctionner les licenciements de seniors revient évidemment à limiter leurs embauches. Une fois encore, cette forme de discrimination positive n'est pas la solution.

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