Washington, Hanoi et la mare aux "canards boiteux"

Un Capitole dominé par les démocrates sera difficilement plus protectionniste que le 109ème Congrès. La majorité républicaine de la Chambre vient de refuser de normaliser les relations commerciales entre les Etats-Unis et le Vietnam, au grand dam du président qui sera cette semaine à Hanoi.

Aux Etats-Unis, l'expression "canard boiteux" est employée plus que d'ordinaire par les médias. Car en politique, elle renvoie généralement à deux situations gênantes: celle d'un président qui vient de perdre sa majorité au Congrès et qui devra composer avec un nouveau parlement susceptible de lui mener la vie dure jusqu'aux prochaines élections. On évoque alors le syndrome du "président canard boiteux". Ne soyez donc pas surpris par la démarche de George W. Bush depuis la semaine dernière.

L'expression est également employée à Washington pour désigner la période de quelques semaines pendant laquelle les élus du Capitole, fraîchement battus lors d'élections de mi-mandat, se retrouvent pour tenter de voter d'ultimes lois. Il s'agit de la "lame duck session".

Dans le cas présent, les sujets économiques à traiter d'ici à la fin décembre ne manqueront pas pour la majorité républicaine du 109ème Congrès: réforme de Fannie Mae et Freddie Mac, refonte de l'assurance dommage pour l'inondation après l'ouragan Katrina, transparence du comité chargé d'examiner l'impact que peuvent avoir des investissements étrangers pour la sécurité des Etats-Unis (CFIUS)...

Parmi ces sujets économiques, la "normalisation" des relations commerciales entre les Etats-Unis et le Vietnam tenait particulièrement à coeur aux lobbies patronaux américains. Les entreprises demandaient aux "canards boiteux" républicains de voter au plus vite cette mesure avant que ne débarquent en janvier ces "ânes" de démocrates qui, comme chacun sait, vont exacerber le sentiment protectionniste au Congrès.

Las! Dans un revirement de dernière minute, l'état-major républicain de la Chambre des représentants a annoncé mardi qu'il renonçait à faire adopter cette normalisation. Au grand dam de la représentante au Commerce, Susan Schwab, qui aimerait voir un maximum de traités bilatéraux scellés avant que n'expire en juin le "fast track", la procédure donnant au président américain l'autorité de négocier des accords commerciaux. Au grand regret, surtout, de George W. Bush, ridiculisé par son propre camp avant son arrivée demain au Forum de coopération Asie-Pacifique (Apec) à Hanoi. L'hôte de la Maison-Blanche espérait arriver dans la capitale vietnamienne chargé du précieux cadeau qu'aurait constitué cette normalisation. Il aurait alors profité de sa visite pour la promulguer en grande pompe.

Les raisons qui ont poussé les parlementaires à repousser ce traité sont obscures et multiformes à la fois. La presse américaine évoque les réticences des milieux syndicaux américains, les subventions qu'accorde le gouvernement vietnamien à son industrie textile... Les partisans du traité estiment qu'il aurait permis de panser les plaies subsistantes, de part et d'autre du Pacifique, depuis la guerre du Vietnam. Une occasion manquée qui ne redorera pas le blason plutôt terni du 109ème Congrès sortant.

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