Le rêve inachevé du révérend King

Que penserait Martin Luther King de l'Amérique de 2006? Il serait révolté par la persistance des inégalités entre Noirs et Blancs mais se féliciterait des retombées de l'action affirmative...

La journée de lundi dernier a été l'occasion pour les Américains de saluer la mémoire de Martin Luther King. Un jour d'espoir et de réflexion sur la condition des Afro-américains et des minorités en général, quelque trente-huit ans après la disparition du héraut des droits civils. Cette année toutefois, ce jour férié, respecté par un tiers seulement des entreprises américaines, semblait plus chargé d'émotion que d'ordinaire.

Selon un récent sondage, les trois-quarts des Américains estiment que " des progrès significatifs " ont été réalisés aux Etats-Unis en matière d'égalité raciale depuis la mort de King. Mais chacun garde en mémoire les images de désolation de la Nouvelle-Orléans, dont la population - qui comptait déjà parmi les plus démunies des Etats-Unis avant le passage de l'ouragan Katrina - était composée à 60% d'Afro-américains.

Ces images ramènent à une triste réalité: le rêve du révérend King est loin d'être achevé. Après plusieurs années de progrès socio-économiques, certes lents mais constants, les disparités entre communautés se creusent à nouveau depuis le début des années 2000. Le taux du chômage est, autour de 10%, deux fois plus élevé chez les Noirs que chez les Blancs, une différence plus marquée encore qu'en 1970.

De même, selon les derniers chiffres réunis par United for a Fair Economy, pour chaque dollar gagné par un Blanc, un Noir américain touche en moyenne 57 cents, soit 2 cents de plus qu'en 1968. A ce rythme, 581 années seront nécessaires pour combler le fossé persistant entre Noirs et Blancs!

Que penserait de l'Amérique de 2006 le révérend King, qui, dimanche, aurait fêté ses 77 ans? Il déplorerait que le taux de mortalité chez les enfants afro-américains soit supérieur de 146% à celui constaté chez les enfants blancs. Mais il se féliciterait des retombées de son combat pour les droits civils et de son enfant légitime, l'action affirmative. En 2002, 79% des Noirs américains âgés de plus de 25 ans avaient achevé leurs études secondaires, contre 30% en 1968. Un essor qui a mené beaucoup d'entre eux sur les bancs de l'université et a permis qu'entre 1997 et 2002, le nombre d'entreprises créées par des Afro-américains bondisse de 45%.

Si on évoque souvent aux Etats-Unis la réussite d'un " black business " qui a soutenu l'émergence d'une classe moyenne relativement aisée, Martin Luther King serait aussi fier de constater qu'un nombre croissant de Noirs sont portés de par leur travail et leurs compétences à la tête des plus prestigieuses entreprises que compte la première économie mondiale: Dick Parsons (Time Warner), Stanley O'Neal (Merrill Lynch), Kenneth Chenault (American Express) sont autant de CEO qui font la fierté de l'Amérique et n'ont pas d'équivalents dans la vieille Europe.

Au fait, que penserait le révérend King de la France de 2006?

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