François Heisbourg : "le geste de Pyongyang risque de renforcer la détermination de Téhéran"

Le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique estime que l'essai nucléaire de la Corée du Nord rend plus difficile encore la position de Pékin. Par ailleurs, ce geste pourrait achever de convaincre Téhéran de l'utilité d'une force de frappe préventive.

Latribune.fr - Comment faut-il interpréter le geste de Pyongyang?

François Heisbourg - C'est tout d'abord la confirmation d'une capacité. Dès la première moitié des années 1990, les Coréens du Nord se sont intéressés à l'extraction du plutonium. Le pays était crédité de quelques charges nucléaires depuis une décennie. Mais le pays a néanmoins souhaité démontrer sa capacité réelle face au scepticisme récurrent des Etats-Unis. On ignore encore cependant quel minerai a été utilisé pour l'essai. S'il s'agit de plutonium, cela veut dire que la Corée du Nord dispose d'une quantité de matière fissile suffisante pour assurer une force de frappe préventive. S'il s'agit d'uranium, c'est signe que le pays possède de surcroît une excellente maîtrise du transfert de technologie. Transmise à la Corée du Nord par le Pakistan il y a cinq ou six ans, cette technologie a également été léguée à l'Iran...

Quel est l'impact de ce geste sur l'Asie orientale?

Les équilibres ne s'en trouvent pas bouleversés, puisque ces essais confirment des suppositions déjà fortes. Seul l'Iran risque de se montrer encore plus déterminé dans la poursuite de son programme nucléaire. De fait, les Etats-Unis n'ont pas choisi d'envahir la Corée du Nord mais l'Irak: la force de dissuasion de l'arme nucléaire s'en trouve donc renforcée. A noter également le rapprochement de la Chine, de la Corée du Sud, des Etats-Unis et du Japon dans la condamnation de la conduite de Pyongyang.

Quelles peuvent être les mesures de sanction?

Celles qui sont déjà établies de fait pourraient être officialisées. En particulier les mesures de rétorsion américaines - particulièrement douloureuses pour la Corée du Nord - visant à décourager le secteur financier de travailler avec Pyongyang. Mais surtout, le défi lancé à Pékin, qui risque de perdre une sérieuse crédibilité en poursuivant son alliance avec le régime communiste, est un pari audacieux. La dépendance énergétique et alimentaire envers l'empire du Milieu est vitale pour la Corée du Nord. Mais le dilemme reste quasiment insoluble pour la Chine: l'effondrement de Pyongyang entraînerait des déplacements massifs de population en Mandchourie. Avec ses 25 millions d'habitants, la survie de la Corée du Nord, déjà affamée, est cruciale pour Pékin.

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