Le biocarburant peine à séduire la Bourse

Portés par des mesures réglementaires de plus en plus favorables, les producteurs de bio-éthanol se précipitent vers la Bourse en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. Toutefois, les performances boursières laissent à désirer, alors que ce nouveau carburant vert doit encore trouver ses repères.

Le biocarburant a le vent en poupe. Cette nouvelle technologie est déjà une réalité en Suède: 18% des nouveaux véhicules y sont équipés de moteurs flexibles fonctionnant à l'essence classique et au bio-éthanol Les États-Unis, comptent déjà 5,5 millions d'autos à moteurs flexibles. Au Brésil, le parc installé atteint 2 millions de voiture et 61% des nouveaux véhicules sont à moteurs flexible. Presque partout, les mesures réglementaires incitent de plus en plus à son développement via l'éthanol et le bio-diesel).

Et pour cause: depuis le protocole de Kyoto, en 1995, les Etats doivent en effet prendre des mesures pour réduire leur production de gaz à effet de serre et favoriser le développement des énergies nouvelles (biocarburant, éolienne...). Plus spécifiquement en Europe, une directive impose aux Etats membres de l'Union de mélanger au moins 5% de biocarburant dans l'essence, afin de réduire la pollution.

C'est dans ce contexte qu'en France, le ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton a présenté un plan visant à installer de 500 à 600 pompes de biocarburant en 2007. L'Etat prévoit aussi de détaxer une partie de ce carburant, afin que l'E85 qui contient 85% d'éthanol soit disponible à 80 centimes à la pompe.

Outre ces mesures d'ordre environnemental, la montée en puissance du biocarburant est motivée par une volonté pour les Etats d'être plus indépendants face au pétrole, dont le prix s'est fortement apprécié. Pour les États-Unis, il s'agit également de gagner en indépendance vis-à-vis des pays du Proche Orient... De leur côté, les constructeurs poursuivent les recherches pour anticiper "l'après-pétrole".

La Bourse pour accompagner la croissance

De fait, le contexte est idéal pour la création d'une industrie structurée et dynamique: celle des producteurs de biocarburant. En pleine croissance, face à une demande qui se fait de plus en plus précise, ces sociétés prennent d'assaut la Bourse, à la recherche de capitaux.

C'est aux États-Unis que se trouve déjà le gros des sociétés cotées productrices de bio-éthanol. Outre-Atlantique, la filière de production de biocarburant est en effet des plus actives, alors que 45% des nouveaux véhicules sont équipés de moteurs pouvant accepter le bio-diesel. En outre, outre-Atlantique, les moteurs fonctionnent déjà à l'E85.

Du coup, on note déjà pléthore d'acteurs faisant leur entrée en Bourse. Parmi eux, VeraSun, numéro deux de la production aux États-Unis avec 5% de part de marché, s'est introduit en Bourse en juin dernier. Hawkeye, numéro trois du secteur outre-Atlantique, a lui aussi fait tout récemment son entrée en Bourse.

De même, en Allemagne et en Autriche, les sociétés se lancent tour à tour sur le marché. On assiste outre-Rhin à une kyrielle d'introductions. Ainsi, l'Autrichien Bio Diesel International, l'un des principaux acteurs mondiaux de fabrication d'usines de production de bio-diesel, a fait son apparition sur le marché allemand, le 25 septembre dernier. Quelques jours plus tard, le 29 septembre, la Bourse allemande a accueilli le groupe CropEnergies, la filiale de production d'éthanol de Südzücker. Enfin, le producteur de bio-éthanol et de bio-diesel Verbio va aussi s'introduire en Bourse au mois d'octobre.

Voir ci-contre notre interview de Wilhelm Hammer, président-directeur général de BioDiesel International, groupe autrichien spécialisé dans la conception et l'assemblage d'usines de production de bio-diesel, qui vient d'entrer à la Bourse de Francfort.

Toutes ces sociétés spécialisées dans la production de carburant rejoignent ainsi sur le marché allemand les groupes EOP Biodiesel, Biopetrole, introduits depuis un an, et Schmack Biogas, en Bourse depuis le printemps.

Des performances décevantes

Mais si le bio-éthanol se précipite en Bourse, à la recherche de capitaux pour financer une croissance prometteuse, le parcours boursier de ces sociétés est des plus décevants. Ainsi, le titre CropEnergies a été introduit dans le bas de la fourchette de prix indicative, qui était comprise entre 8 et 10,75 euros par action. Et le titre perd plus de 10% depuis son introduction.

De même pour Biodiesel International. Le concepteur d'usines de production a cédé 1,30% depuis son introduction. Toujours en Allemagne, EOP Biodiesel a vu son cours baisser de 20% depuis sa mise en Bourse.

Le contexte n'est pas non plus des plus porteurs pour l'Américain VeraSun Energy. Depuis son entrée sur le marché en juin dernier, le titre a baissé de 36%, tandis que des tensions se font sentir sur ses perspectives.

C'est que le secteur du biocarburant, loin d'être un havre de paix, comporte de nombreux risques en Bourse. Il est en effet très volatil, en raison de sa corrélation au prix du baril de pétrole. Le prix du bio-éthanol monte lorsque l'or noir de plus en plus cher. Or, ces derniers temps, on a assisté un reflux du prix du baril, qui est repassé sous les 60 dollars.

De plus, tandis que la production de bio-éthanol est en pleine phase d'expansion, la demande doit encore progresser, et on assiste du coup à un risque de déséquilibre entre l'offre et la demande. "Le marché allemand est caractérisé par la surproduction", estime ainsi Morgan Stanley. Une situation qui pèse sur les marges des producteurs et donc sur leurs cours de Bourse.

L'intérêt des pétroliers...

Le secteur de la production doit aussi se structurer pour optimiser sa rentabilité. Aujourd'hui, les acteurs sont plutôt de petite taille, dans un marché très fragmenté. "Nous pensons que la petite taille d'EOP Biodiesel et de ses usines lui causera des difficultés pour être compétitif sur les coûts de production, et affectera sa capacité à alimenter les stocks à des prix concurrentiels", explique ainsi Morgan Stanley.

Enfin, le secteur est encore très dépendant des mesures prises par les gouvernements pour soutenir la filière du biocarburant, pour assurer un prix attrayant à la pompe. Des incertitudes d'ordre politique qui rendent pour l'heure encore incertaines les perspectives des groupes.

Reste qu'à terme, la production de bio-éthanol devrait toutefois séduire davantage les investisseurs. D'autant que l'intérêt des grands groupes pétroliers pour l'éthanol et le bio-diesel se fait de plus en plus pressant. Il pourrait bien contribuer à structurer la filière et lui donner une vraie dimension boursière.

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