Rosneft en passe de réussir son introduction

Le groupe pétrolier russe, qui boucle cette semaine la souscription de ses actions pour son introduction en Bourse, semble avoir réussi à convaincre les investisseurs malgré le parfum de scandale qui plane.

Le groupe pétrolier russe Rosneft, détenu à 100% par l'État, annoncera vendredi 14 juillet à quel prix il a placé ses actions pour la plus grosse introduction en Bourse jamais réalisée par un groupe russe. Les titres, qui représentent plus de 14% de son capital, commenceront à être échangés sur les Bourses de Londres et de Moscou le 19 juillet. Mais déjà selon plusieurs sources proches du dossier, la demande excéderait l'offre et l'opération devrait être auréolée de succès malgré une conjoncture boursière peu favorable. "Le livre d'ordres est déjà sur-souscrit et la demande gagne en intensité", a déclaré une responsable d'une des banques conseil du groupe.

Le titre est offert entre 5,85 et 7,85 dollars avec l'objectif de lever un minimum de 8,5 milliards de dollars et jusqu'à 11,6 milliards de dollars. Les fonds ainsi dégagés doivent permettre de rembourser les 8,5 milliards de crédits contractés pour l'acquisition de plus de 10% du capital du géant gazier Gazprom l'an dernier. L'état russe avait ainsi pu acquérir une majorité de contrôle de Gazprom. Le prix valorise la compagnie entre 60 et 80 milliards de dollars.

Malgré ce prix qui apparaît comme élevé, plusieurs compagnies pétrolières se sont portées acquéreuses, voyant ainsi un point d'entrée dans le pétrole russe en vue de futurs projets. Ainsi, le groupe pétrolier indien ONGC envisage d'investir jusqu'à trois milliards de dollars, selon les autorités indiennes. Le malaisien Petronas et le chinois CNPC seraient également tentés. Ce dernier a fait savoir qu'il espérait obtenir ainsi un retour sur le pétrole sibérien. Rosneft aurait également approché Shell, BP, ENI, ExxonMobil et Chevron. Selon la presse britannique et russe, le groupe BP pourrait se laisser tenter. Il attend cependant de voir quels autres investisseurs sautent le pas avant de prendre une décision définitive.

Selon le Financial Times, Roman Abramovitch, première fortune de Russie, a aussi accepté de présenter une offre pour faire monter les enchères, et le magnat de l'aluminium Oleg Deripaska se tiendrait aussi en réserve, selon la presse russe.

Rarement, cependant, une introduction n'aura autant fait couler d'encre. Du financier américain Georges Soros à l'opposition russe en passant par les actionnaires du groupe pétrolier Ioukos, de nombreuses personnalités ont incité publiquement à boycotter cette opération qui apporte une légitimité à la politique pétrolière du Kremlin.

En effet, Rosneft, troisième groupe pétrolier russe après Loukoil et le russo-britannique TNK-BP, a une histoire trouble. Son principal actif est Iouganskneftgaz, la filiale la plus importante du groupe Ioukos. Ioukos en a perdu le contrôle en décembre 2004 lors d'une vente forcée, après que son fondateur, Mikhaïl Khodorkovsky, s'est vu réclamer des millions de dollars d'impôts par le gouvernement russe. Un redressement fiscal considéré par de nombreux analystes comme un règlement de compte et qui a envoyé l'homme d'affaires en prison en Sibérie pour une peine de huit ans pour fraude fiscale. L'acquisition de cette filiale s'est alors faite pour une fraction de son prix et a permis à Rosneft de tripler sa production pétrolière à 1,5 million de barils par jour et de quintupler son bénéfice net l'an dernier à 4,1 milliards de dollars.

Paradoxalement, les actionnaires de Ioukos, qui s'estiment spoliés par la vente forcée de Iougansk, ont tout intérêt à ce que l'introduction en Bourse de Rosneft soit un succès. On sait que GML, principal actionnaire de Ioukos, cherche à recouvrer 33 milliards de dollars au titre des actifs expropriés devant le Tribunal arbitral de La Haye. À ses yeux, la Fédération de Russie a en effet échoué à protéger ses investissements. Donc, plus la mise sur le marché s'effectuera à un prix élevé, et plus le plaignant pourra démontrer que le prix payé lors de la vente forcée de Ioukos était bel et bien une spoliation.

Dans le même temps, les autorités russes se disent décidées à faire de la mise sur le marché de Rosneft une opération qui réconciliera les citoyens russes avec la Bourse, alors que les actionnaires individuels ont été ruinés par la crise du rouble voilà quatorze ans. Mais ni le prix, qui paraît élevé aux analystes, ni les démarches à accomplir pour devenir actionnaire, ni la fiscalité ne sont de nature à encourager l'actionnariat populaire.

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