Un demi-siècle de photo-journalisme

"Life", "Rolling Stone", "Paris Match"... Ces noms évoquent la grande époque du photo-journalisme. Depuis, la télévision a changé la donne. Le reportage photo a perdu de son attrait populaire. Pour sa 14e édition, le Mois de la Photo a voulu le remettre en lumière. Sur la soixantaine de manifestations organisées autour du thème "La Page imprimée", celle qui se tient au Passage du Désir, "Things as they are", est esseentiel. L'agence World Press Photo, qui récompense chaque année à Amsterdam les meilleurs reportages photo internationaux, y retrace un demi-siècle d'histoire vu à travers la presse. De 1955 à 2005, l'exposition nous fait voyager de l'âge d'or du magazine (Henri-Cartier Bresson, Gilles Caron, Robert Frank) jusqu'à la montée en puissance, ces dix dernières années, du "reporter artiste" telle Nan Goldin. Entre temps, il y aura eu la guerre du Vietnam. Un numéro de Life aligne les portraits des 242 soldats américains, presque tous âgés de 18 à 22 ans, morts durant la seule semaine du 28 mai au 3 juin 1969. Dix ans après, Richard Avedon fera le portrait d'une autre Amérique, celle de la prospérité et du pouvoir, avec "The Family". Plus loin, un espace est dédié à la fin des années 80: les affrontements place Tiananmen, les Balkans, le SIDA. Au total, plus de 120 reportages témoignent des mutations de la seconde moitié du XXe siècle. Aux couvertures et pages intérieures des journaux originaux se mêlent des tirages d'époque et des projections vidéo. On trouvera même un petit agenda électronique accroché à un mur. Sur l'écran, les clichés d'Abou Ghraib révélés en 2004 par le "New Yorker" tournent en boucle. Données à voir sur cet objet familier qui relève de la sphère du privé, les images sont encore plus terrifiantes. Premiers symptômes de la révolution numérique que nous sommes en train de vivre, elles nous font réfléchir sur une nouvelle forme d'exhibitionnisme/voyeurisme qui prolifère depuis que chacun peut, à tout moment, faire des photos et les diffuser instantanément à l'aide d'un simple téléphone portable. Une modification des comportements dont on mesure encore mal la portée. En poussant au questionnement, "Things as they are" dépasse le simple panorama des grands événements de ces cinquante dernières années. L'exposition met intelligemment en perspective un mode de représentation de la réalité qui a dû céder sa place dominante à la télévision mais qui n'a pas fini d'épuiser son potentiel infiniment complexe. Exposition "Things as they are" jusqu'au 12 décembre au Passage du Désir, 85-87, rue du Faubourg St-Martin, Paris 10. Entrée libre. Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h.
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