Le Parquet enquête sur les risques environnementaux de Rhodia

L'enquête avance. Selon une source judiciaire interrogée par l'AFP (Agence France Presse), le Parquet a récemment demandé à des préfectures de vérifier la régularité de la prise en charge des risques environnementaux de trois sites chimiques français du groupe Rhodia. Les directions régionales de la Recherche, de l'Industrie et de l'Environnement (DRIRE) des préfectures de Charente-Maritime, du Nord et de l'Isère ont respectivement pour mission de contrôler des sites chimiques de Rhodia situés à La Rochelle, Wattrelos et Pont-de-Claix. Cette enquête vise les sites français à problème répertoriés par une lettre du cabinet Marsh. En 2002, le cabinet de conseil avait effectué un audit pour le compte du groupe chimique pour actualiser le montant des dépenses environnementales avérées sur des sites de Rhodia et lui permettre d'être indemnisé par Aventis, son ancienne maison-mère. A l'issue de cet audit portant sur 37 sites (les autres ayant fait l'objet d'accords entre les deux parties) et des renseignements fournis par Rhodia, Marsh avait adressé une lettre commerciale au chimiste pour lui suggérer de s'assurer pour des risques très peu probables portant sur six sites, dont deux aux Etats-Unis, un au Brésil et les trois français visés par le Parquet. L'auteur de cette lettre, Christoph Möcklinghoff, directeur du département "risques environnementaux de Marsh", a été auditionné le 14 juin dernier par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons qui instruisent la plainte de deux actionnaires minoritaires de Rhodia, Hughes de Lasteyrie et Edouard Stern, aujourd'hui décédé, visant "une présentation de comptes inexacts". Selon les deux investisseurs, Rhodia aurait hérité lors de sa création de lourds passifs environnementaux de son ancienne maison-mère, Rhône-Poulenc, devenu Sanofi-Aventis. Rhodia a d'ailleurs également demandé par l'intermédiaire d'une procédure arbitrale des indemnisations à Sanofi-Aventis pour ses sites pollués aux Etats-Unis et au Brésil. Mais le tribunal arbitral a rejeté en septembre dernier ces demandes d'indemnisation. Le deuxième volet du contentieux entre les deux groupes concerne les retraites héritées de Rhône-Poulenc, au sujet desquelles le tribunal s'est déclaré incompétent."Dans cette lettre, nous avions évalué le coût de risques très peu probables qui n'ont aucun sens hors de leur contexte", précise Christoph Möcklinghoff. "D'ailleurs, le montant de l'assurance proposée pour les couvrir ne devait pas dépasser 2 à 3 millions d'euros", précise le consultant. A l'époque, Rhodia n'avait pas souscrit à l'assurance proposée. "Mais le groupe aurait été un pionnier en la matière, puisque les sociétés commencent seulement aujourd'hui à s'assurer pour ce type de risque uniquement dans le cadre de fusion-acquisition", souligne Christoph MöcklinghoffSelon cette lettre, citée par l'AFP, alors que le traitement des déchets "faiblement radioactifs" du site de La Rochelle pourrait se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d'euros, le coût de dépollution des produits "cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction" de Pont-de-Claix s'élèverait à 100 millions d'euros. Enfin, un montant de 100 millions d'euros était également évoqué pour le traitement du site de Wattrelos, dans l'agglomération lilloise, contenant deux anciennes décharges de déchets chromés."Ces montants impressionnants ne doivent pas faire oublier que les risques demeurent très faibles; ce serait comme de mettre en avant les montants liés à l'explosion de centrales nucléaires... de quoi dissuader la France de produire de l'électricité !", renchérit Christoph Möcklinghoff.Relaxe requise en faveur de Xavier Musca, directeur du trésorEn avril 2005, Hughes de Lasteyrie, à l'origine de l'affaire Rhodia, avait été mis en cause par le directeur du trésor Xavier Musca qui l'accusait de chantage. Le parquet avait alors diligenté une enquête qui a été classée sans suite le 16 juin. Xavier Musca affirmait que Hughes de Lasteyrie l'avait menacé dans son bureau de Bercy de lancer une campagne de presse mettant en cause le nouveau ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton pour le déstabiliser si le gouvernement ne faisait pas le nécessaire pour l'indemniser. Le financier aurait perdu quelque 40 millions d'euros après l'effondrement du titre de l'entreprise chimique Rhodia en Bourse. Fort du classement sans suite, le financier avait assigné devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris le directeur du trésor pour "dénonciation calomnieuse". "Tout est fait pour m'empêcher de faire en sorte que la vérité éclate", affirmait Hughes de Lasteyrie. Ce dernier avait fait citer comme témoin le député socialiste Arnaud Montebourg qui a estimé que la démarche du directeur du trésor était dictée par la volonté de Xavier Musca de "défendre son ministre", Thierry Breton, ex-administrateur de Rhodia. La représentante du ministère public, Anne de Fontette, a de son côté estimé que l'intention de nuire de M. Musca n'était "absolument pas démontrée". "Les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse ne sont pas apportés par la partie civile, je vous demanderai donc d'entrer en voie de relaxe", a-t-elle déclaré. Le jugement est prévu le 5 décembre.
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