Arcimboldo, le peintre de l'imaginaire

Connu surtout pour ses tableaux de têtes allégoriques faits de fruits ou d'animaux Arcimboldo est un artiste multiple, étrange, exubérant, créatif. Une exposition permet de mieux appréhender ses talents. Remarquable.

Ses tableaux sont de véritables icônes: qui ne connaît ces visages faits de plantes, de fruits, de légumes, d'animaux? Mais qui connaît véritablement l'auteur de ces peintures, grotesques et délicates, trop souvent confinées dans l'esprit d'un simple cabinet de curiosités? Le Musée du Luxembourg, via la commissaire de l'exposition qui a évité de faire de cette manifestation un simple défilé de toiles indigestes, permet de (re)mettre enfin l'artiste dans son élément, c'est à dire dans la multiplicité de son talent, qui est immense.

Certes, il y a bien là, et heureusement, les oeuvres majeures rassemblées pour la première fois, les "Saisons", les "Eléments", les "Métiers", les "Réversibles". Mais l'on trouve également, remarquablement présentés dans une mise en scène élégante (même si les cartels demanderaient à être plus lisibles) une série de dessins, des portraits, des études techniques (sur la soie notamment) et des objets curieux du XVIème de la Cour des Habsbourg. Le peintre milanais y a vécu de 1563 à 1587, exerçant non seulement son art, mais aussi celui de maître des cérémonies, organisant célébrations, fêtes et mariages, à l'aide de costumes, décors et jeux d'eaux tout aussi étranges et fastueux que ses toiles. Admiré et respecté, notamment par l'empereur Maximilien II qui le fit venir à Vienne puis par son fils Rodolphe II, Arcimboldo a pu travailler sa peinture le plus librement possible, d'autant que la Cour des Habsbourg était moins conventionnelle et moins attirée par les sujets religieux que celles de Lombardie ou de Vénétie: du travail classique un brin compassé mais tout en finesse, son oeuvre a dérivé, via une imagination débridée, vers des têtes composées - même si ce type de représentation n'était pas nouveau. Arcimboldo est même allé jusqu'à inventer des natures mortes réversibles et des portraits faits d'éléments professionnels, tel l'archiviste Zasius sous la forme d'une représentation de livres, sa chevelure étant un ouvrage aux feuilles détachées. Des oeuvres dans l'air du temps, en cette époque où le mécénat battait son plein, où l'on découvrait le Nouveau Monde, où l'on collectait les animaux les plus exotiques et les objets les plus insolites. L'intérêt de cette remarquable exposition tient en cette découverte globale, non seulement de ces icônes, parfois déclinées en plusieurs versions, de ces dessins méconnus, mais surtout du travail totalement original et à contre-courant d'un artiste précurseur en avance de quatre siècles sur une expression artistique, le surréalisme.


- "Arcimboldo", Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris, renseignements: www. Museeduluxembourg.fr
- Catalogue coédité par sVo et Skira, 328 pages, 38 euros
- Numéro spécial de Connaissance des arts, 68 pages, 9 euros

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