La mission cyber-piratage va avoir besoin de l'appui des pouvoirs publics

La mission menée par Denis Olivennes, PDG de la Fnac, sur le téléchargement illégal des oeuvres, va prochainement rendre son rapport. Elle proposerait d'adresser des avertissements aux internautes.

"N'attendez pas de miracle", a prévenu Denis Olivennes, dans une interview publiée le 17 novembre par le Figaro Magazine. Le PDG de la Fnac espère conclure avant le 1er décembre, la mission "sur la lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d'oeuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques" que lui avaient confiée début septembre, les ministres de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, et de l'Economie, Christine Lagarde.

D'ici là, il est censé dégager un consensus autour de quelques mesures articulant mises en garde et sanctions contre les internautes qui téléchargent illégalement et amélioration de l'offre à télécharger sur les plateformes légales. Après avoir auditionné les représentants des industries de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma, les fournisseurs d'accès Internet, les association de consommateurs, la mission Olivennes se préparerait à réinventer, sous un autre nom, la "riposte graduée".

Proposée en 2006 dans le projet de loi sur les droits d'auteurs sur Internet (DADVSI) mais rejetée dans sa formulation par le Conseil Constitutionnel, elle vise à mettre en place un dispositif progressif de lutte contre le piratage - messages d'avertissement aux internautes, puis sanctions proportionnelles à l'importance de l'infraction. Avec la loi DADVSI, telle qu'elle a finalement été promulguée, l'internaute demeure coupable de contrefaçon et passible d'une sanction de 300.000 euros d'amende et de trois ans de prison.

Denis Olivennes aurait compris que les fournisseurs d'accès à Internet se refusent à faire la police. La décision d'avertir ou de sanctionner les internautes pourrait donc être confiée à une autorité administrative indépendante, saisie par les ayants droits des oeuvres. Il pourrait s'agir de l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection créée par la loi DADVSI, dont les pouvoirs seraient étendus. Denis Olivennes, se référant à des études faites aux Etats-Unis, affirme que 70 % des internautes cessent de télécharger illégalement après un premier message d'avertissement, 90 % après le second message. Pour les 10 % restants, l'idée d'une suspension temporaire de l'abonnement Internet est jugée difficile à mettre en oeuvre par les fournisseurs d'accès Internet, qui préféreraient un système de contravention.

Ces mesures, contre lesquelles s'est élevée par avance l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, impliquent une adaptation législative pour établir les compétences de l'autorité administrative et régler les difficultés posées par la conservation de données personnelles. Seule une volonté des pouvoirs publics pourra donc rendre effective les conclusions de la mission Olivennes. Et se posera aussi la question des moyens de l'autorité.

Pour le Syndicat national de l'édition phonographique, représentant les producteurs de disques, prévoir des mécanismes d'avertissement et de sanctions, sans se donner les moyens de détecter les contrevenant et d'en faire un usage massif, serait sans aucun effet sur le volume du téléchargement illicite. Le filtrage des oeuvres, pour détecter sur le réseau les oeuvres protégées par le droit d'auteur, et empêcher leur téléchargement, est une autre solution dont la faisabilité technique et économique reste sujet à débat.

Autre voie que pourrait proposer la mission : l'amélioration de l'offre légale d'oeuvres à télécharger. La suppression dans un délai à définir, des mesures techniques anti-copies (DRM) sur les fichiers musicaux achetés, pour permettre de les lire avec tous les logiciels et tous les lecteurs, en fait partie. Denis Olivennes en fait l'expérience sur le site Fnac.com, dont les 500.000 titres vendus sans DRM (pour 2 millions avec DRM format Windows Media Audio) ont multiplié par deux leur part de marché dans les ventes du site.

Côté cinéma, il devrait préconiser une augmentation du nombre de films mis en ligne - l'offre sur les plateformes françaises étaient de 1.904 films en juin 2007 proposés dont 17 % de nouveautés, selon le Centre national de la cinématographie - et un raccourcissement du délai entre la sortie en salle et la mise à disposition en ligne, actuellement de 33 semaines. Aujourd'hui, 93,6 % des films piratés en France le sont avant leur sortie en vidéo, selon le CNC. Pour réduire le délai de mise en ligne en deçà de 6 mois, délai actuel autorisé pour la sortie en DVD, il faudra à nouveau passer par un changement réglementaire. Là encore, les pouvoirs publics devraient accepter d'aller contre les exploitants de salles de cinéma.

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