Livret A : la décision de la Commission européenne suscite des inquiétudes

La décision de la Commission européenne de contraindre la France à banaliser la distribution des Livrets A et Bleu pourrait fragiliser le financement du logement social, estiment plusieurs acteurs du secteur.

On attendait la décision. Mais pas aussi vite après l'élection présidentielle. La décision de Bruxelles de demander à Paris d'étendre à toutes les banques, dans un délai de neuf mois, la distribution du Livret A et du Livret Bleu a suscité de nombreuses réactions d'inquiétude aujourd'hui. En jeu : le financement du logement social, qui en serait fragilisé. C'est du moins l'avis de l'Union Sociale pour l'Habitat (USH) qui fédère les organismes HLM.

Selon l'USH, la décision de Bruxelles "fait courir un risque à la production de logements pour les ménages modestes", et ce en pleine crise du logement. Le financement du logement social est assis sur la transformation de dépôts à vue (l'épargne collectée sur le Livret A) en prêts à très long terme à taux avantageux et assortis de garanties. Pour l'USH, les banques vont tenter d'attirer la clientèle aisée, pourvue des plus gros Livrets A, dans l'idée de réorienter cette épargne vers des placements plus rémunérateurs pour elles.

Dans le même temps, certains craignent que les distributeurs "historiques" du Livret A que sont la Caisse d'Epargne et la Banque Postale, délaissent la clientèle la plus modeste, qui se sert du Livret A comme d'un compte courant : cette utilisation est particulièrement coûteuse pour les distributeurs. Tout ceci conduirait à un assèchement de la collecte des fonds vers le Livret A.

L'USH redoute par ailleurs que les banques ne réclament à terme de pouvoir lancer elles-mêmes des prêts afin de financer le logement social. C'est ce qu'elles ont fait par le passé avec le Codevi. Une telle initiative remettrait en cause la centralisation du système de financement du logement social, qui, selon l'USH, a fait preuve de son efficacité. Aujourd'hui, les sommes collectées sont toutes transférées à la Caisse des Dépôts, afin que celle-ci puisse octroyer des prêts.

L'USH n'est toutefois pas trop inquiète : elle espère que le prochain gouvernement renverra le dossier devant la Cour de Justice des Communautés européennes. Ce qui aura au moins le mérite d'offrir un délai supplémentaire de deux ou trois ans, avant une hypothétique "banalisation".

Dénonçant elle aussi la décision de Bruxelles, "lourde de conséquences", la Confédération Nationale du Logement (CNL), première organisation de locataires du parc social, a rappelé que "la loi sur le Droit au logement opposable prévoit une forte augmentation de la construction de logements sociaux dans les cinq prochaines années". Dans ce contexte, estime la CNL, une telle décision est donc malvenue.

Pour mémoire, les sommes affectées aux Livrets A totalisaient fin mars 115,9 milliards d'euros, tandis que l'encours des prêts consentis par la Caisse des Dépôts pour le logement et la rénovation urbaine s'élevait à 84,8 milliards d'euros.

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