Kenya : le bilan des émeutes s'alourdit, les voyagistes suspendent leurs départs

Au moins 149 personnes ont été tuées dans le pays depuis le 27 décembre, dans les émeutes qui ont accompagné l'élection présidentielle. Le Quai d'Orsay déconseille aux Français de se rendre au Kenya, les voyagistes suspendent jusqu'au 6 janvier leurs départs vers ce pays.

Les voyagistes Nouvelles Frontières et Kuoni France suspendent jusqu'à nouvel ordre leurs départs vers le Kenya, théâtre de violences après des élections contestées, suivant ainsi les recommandations du ministère des Affaires étrangères, ont-ils annoncé ce lundi. "La décision de Nouvelles Frontières a été prise en accord avec le Quai d'Orsay et le consulat de France au Kenya", a expliqué une porte-parole de Nouvelles Frontières.

Le vol Corsairfly, qui devait normalement acheminer mardi 250 passagers, sera toutefois maintenu, avec une cinquantaine de personnes à bord, dont 28 clients qui avaient réservé un vol sec (sans séjour) et 20 clients du tour-opérateur African Safari Club, explique-t-on chez Corsairfly, filiale du groupe Nouvelles Frontières. Ce vol, qui affiche complet pour le retour, ramènera notamment à Paris les 195 passagers de Nouvelles Frontières dont le retour était programmé pour mardi.

Plus globalement, l'association de tour-opérateurs français (Ceto) a décidé de suspendre jusqu'au 6 janvier 2008 les départs vers le pays, a annoncé lundi à l'AFP son président René-Marc Chikli. Le Ceto recommande à ses adhérents de proposer à leurs clients "un report sans frais sur la même destination du tour-opérateur à une date ultérieure" ou "un report du voyage sur une autre destination du tour opérateur".

De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a déconseillé lundi aux ressortissants français de se rendre au Kenya. "En raison des troubles liés à la proclamation des résultats des élections présidentielles (...), il est déconseillé, sauf pour raisons professionnelles impératives, de se rendre au Kenya dans les prochains jours", précise un communiqué du Quai d'Orsay publié sur Internet. Au moins 149 personnes ont été tuées dans le pays depuis le 27 décembre, a-t-on appris lundi de sources policières et auprès de la morgue de Kisumu (ouest du pays).

La commission électorale a déclaré, dimanche, le président sortant Mwai Kibaki vainqueur du scrutin présidentiel de jeudi dernier au Kenya battant ainsi son principal rival, Raila Odinga. "En conséquence, la commission déclare l'Honorable Mwai Kibaki vainqueur", a proclamé le président de la commission, Samuel Kivuitu. Mwai Kibaki totalise 4.584.721 voix contre 4.352.993 voix pour Raila Odinga. Des émeutes ont immédiatement éclaté dans deux bastions de Raila Odinga, à Kibera, plus grand bidonville de Nairobi, et à Kisumu.

L'annonce de ces résultats, trois jours après la tenue jeudi des élections présidentielles, législatives et locales, a mis un terme au laborieux processus de dépouillement des bulletins dont la lenteur a suscité l'exaspération des partisans de Raila Odinga et alimenté les soupçons de fraude. Scandant "pas de paix, pas de paix", des centaines de partisans de Raila Odinga sont immédiatement descendus dans les rues de Kibera, survolées par un hélicoptère de la police, tandis que la police anti-émeutes déployée autour du bidonville tirait en l'air pour contenir la foule.
Des panaches de fumée s'élevaient dans le ciel de Nairobi.

Mwai Kibaki, 76 ans, a prêté serment dimanche en fin de journée au palais présidentiel, lors d'une cérémonie organisée moins d'une heure après la proclamation des résultats. "J'appelle tous les candidats, tous les Kényans à accepter le verdict populaire. Cette élection étant passée, le temps de la guérison est venu", a déclaré Mwai Kibaki lors de sa prestation de serment. "Après tout, nous appartenons tous à une seule famille, le Kenya", a-t-il conclu.

Peu avant l'annonce de sa défaite, Raila Odinga avait accusé le président Kibaki d'avoir fraudé sur au moins 300.000 voix, au cours d'une conférence de presse. "Nous avons des preuves qui confirment que les chiffres que la commission électorale kényane s'apprête à annoncer sont faux", avait déclaré Raila Odinga avant d'ajouter: "le résultat du président Kibaki a été gonflé d'au moins 300.000 voix". La différence de voix entre les deux candidats est précisément de 231.728 voix, selon les résultats. "Si nous perdons justement, nous accepterons les résultats. Les Kényans ne sont pas prêts à accepter une élection truquée (...) Je n'accepterai pas une telle victoire de Kibaki", avait averti auparavant l'opposant, sans plus de détails.

Du côté de l'opinion internationale, les réactions n'ont pas tardé. Le département d'Etat américain a félicité le président réélu et estimé qu'il appartenait aux autorités kényanes d'enquêter sur les allégations de fraudes faites par l'opposition. La mission d'observation de l'Union européenne a quant à elle estimé, dans un communiqué envoyé dimanche soir, que la commission électorale avait échoué à assurer la crédibilité de l'élection présidentielle. Plus tard dans la soirée, c'est Londres qui a fait part de "réelles inquiétudes sur les irrégularités" du scrutin", le ministre des Affaires étrangères, David Miliband, appelant les dirigeants politiques du pays à y répondre "dans un esprit d'unité".

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