Marseille s'autocélèbre dans son opéra

L'opéra de Marseille crée "Marius et Fanny" d'après les pièces éponymes de Marcel Pagnol sur une musique de Vladimir Cosma. Une oeuvre lyrique en diable, taillée sur mesure pour Roberto Alagna.

Avec près d'un siècle de retard, Marseille tient enfin son opéra. Une oeuvre lyrique, entre comédie musicale et opéra comique, qui célèbre les grandes figures de la ville magnifiées par Pagnol et cultive la nostalgie du grand port qu'elle fut, où mouillaient les voiliers qui faisaient chavirer le coeur des foules. Ayant eu vent que Vladimir Cosma (ne pas confondre avec Joseph Kosma, le musicien de Prévert) a obtenu le droit de mettre en musique les oeuvres de Marcel Pagnol, mort en 1974, les édiles lui ont commandé un opéra pour la superbe salle municipale, du plus pur style Art déco.

Né en 1940 en Roumanie, Vladimir Cosma s'est fait une spécialité des musiques pour l'écran. Auteur de plus de 200 partitions pour des films de cinéma et de télévision, il s'est déjà colleté avec Marcel Pagnol dans les années 90 pour les films qu'Yves Robert a tirés de ses romans "La gloire de mon père" et "Le château de ma mère".

Des deux oeuvres écrites pour le théâtre par Marcel Pagnol, "Marius" en 1929 et "Fanny" en 1932, avant d'en faire des films mémorables - Cosma a tiré un opéra en deux actes, un mélo, tout vibrant des violons de l'Orchestre de l'opéra de Marseille, parcouru de grands airs à la Puccini, morceaux de bravoure pour les solistes.

Proche de l'opéra comique, mais sans aucun dialogue parlé, la partition intègre des rythmes des années 30 (valses, ragtimes...) et ne dédaigne pas se frotter à des formes plus élaborées du grand opéra classique (quatuors, sextuors...) qui laissent la place aux seconds rôles. Si les dialogues ont beaucoup perdu de la truculence de Pagnol au profit d'un conformisme petit bourgeois, ils comportent juste ce qu'il faut de "fada" et de "couillon" pour ne pas verser dans la "pagnolade", la caricature honnie du maire, Jean-Claude Gaudin, qui au soir de la première, mardi 4 septembre, ne ménageait pas ses compliments à Cosma.

Dans sa mise en scène, Jean-Louis Grinda a pris soin d'introduire un nouveau personnage: le peuple de Marseille, interprété par le choeur, à qui est attribuée une place d'acteur à part entière, donnant la réplique à César dans l'air de la recette du "Picon -Citron" ("avec quatre tiers...") qui devient une jonglerie verbale à la Rossini.

Sur fond de vieux port et de décors habilement manipulés par Dominique Pichou, les scènes se succèdent avec une alacrité toute cinématographique sauf dans le deuxième acte qui s'étire et s'englue dans les bons sentiments. En Marius Roberto Alagna est à son affaire, il casse la baraque dans son grand air de l'appel du large à la fin du premier acte: "Loin vers une autre destinée, je partirai...", qui a tout pour faire un "tube". Plus technicienne, son épouse, la soprano Angela Gheorghiu, ménage ses effets et compose une Fanny touchante. Seul le baryton Jean-Philippe Lafont, qu'on a connu en meilleure forme vocale, fait directement référence aux films de Pagnol et s'abandonne parfois à l'accent du Midi pour jouer les Raimu, immortel César.

Opéra de Marseille les 7, 10, 13, 14 et 16 septembre, tél: 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.