Biedermeier, une avant-garde tuée dans l'oeuf

Le mouvement, vite passé de mode, ne trouva son nom qu'en 1855. Pourtant, le style Biedermeyer peut être considéré comme le précurseur de l'Art Déco qui arrivera un siècle plus tard. L'exposition du musée Albertina de Vienne en rappelle tout l'intérêt.

L'exposition interdisciplinaire "Biedermeier, l'invention de la simplicité", présentée à Vienne (Autriche) jusqu'au 13 mai, situe ce style développé en Europe centrale entre 1815 et 1830 à l'opposé de la caricature dont il est généralement affublé. "Le Biedermeier tardif, récupéré par la bourgeoisie, a tourné au sentimentalisme", reconnaît Klaus Albrecht Schröder, directeur de l'Albertina et commissaire de cette exposition. "Mais les premières années, où les commodes et les tables ont soudain vu disparaître leurs ornements, ont exprimé un grand raffinement. Un siècle plus tard, l'Art Déco a opéré un retour à cette réduction radicale de la forme, à cette utilisation opulente du bois lisse et courbé".

Quelque 450 pièces sont à voir dans la capitale autrichienne, issues des collections de l'Albertina ou prêtées par une petite centaine de collectionneurs privés, le Musée du Louvre et le Milwaukee Art Museum. "Après la révolution française, l'aristocratie d'Europe centrale a radicalement changé son rapport à la vie publique et sa décoration intérieure", explique Klaus Albrecht Schröder. Les lourds rideaux et les murs chargés d'ornements font place à des papiers peints unis. Le mobilier Empire, en vogue quelques années plus tôt, marque le pas face aux nouvelles créations de Danhauser, où les surfaces planes en ronce de noyer et les discrètes marqueteries traduisent un style que n'aurait pas renié Louis Majorelle... cent ans plus tard. Les références naturalistes sont présentes sur des verres taillés d'Anthon Kothgasser, ou dans les imitations de pierres précieuses sur un service à café discrètement doré sur la tranche. Les manufactures de porcelaine viennoises créent des services aux formes épurées, que l'on confondrait presque avec des oeuvres cubistes.

La peinture du début de ce dernier siècle impérial - portraits (Christoffer Wilhelm Eckersberg) et paysages (Matthäus Loder) lissés à l'extrême - semble moins aboutie que le mobilier et les arts de la table. L'aristocratie, dans ce domaine, n'a pas su être aussi directive avec les artistes auxquels elle passait commande. "La bourgeoisie, imprégnée des tendances à la mode autour de 1830, a précipité la chute de ce mouvement artistique", tranche Klaus Albrecht Schröder. Le mouvement, vite passé de mode, ne trouva son nom qu'en 1855: deux auteurs satiriques publiaient dans la presse munichoise des poèmes attribués à un "Gottlieb Biedermaier" simplet mais bien-pensant. La génération d'artistes qui s'en seraient volontiers inspirés avait déjà disparu.


Exposition "Biedermeier, l'invention de la simplicité" au musée Albertina à Vienne (Autriche), jusqu'au 13 mai.
Renseignements: 00 43 1 534 83 0 ou www.albertina.at
A voir aussi sous forme réduite (200 pièces) au Musée du Louvre à partir du 18 octobre 2007.

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