A Garnier, le collectif théâtral catalan La Fura dels Baus fait oublier son flop de l'an dernier à Bastille pour une "Flûte enchantée" parfaitement absconse. Cette fois, il montre plus de sobriété avec un dispositif scénique aussi novateur qu'élégant, à base de projections vidéos et de jeux de lumières, enchaînant sans souffler deux pièces lyriques datées des années 20, signées de deux compositeurs d'Europe centrale, accolées pour former une soirée sur la passion amoureuse, avec à chaque fois seulement deux protagonistes. Deux pièces embrasées par l'Orchestre de l'Opéra de Paris, placé sous la direction de l'Autrichien Gustav Kuhn.

Dans un souci d'homogénéité, le chef a orchestré la première de ces pièces, "Journal d'un disparu", du tchèque Leos Janacek qui était à l'origine un cycle de 22 chants pour ténor alto solo et voix de femmes. Le superbe ténor allemand Michael König incarne avec fougue la passion sauvage d'un paysan qui perd - littéralement - la tête pour une jeune Tzigane, bouleversante victime du sortilège amoureux dont le corps se perd dans les profondeurs de la fosse de l'opéra Garnier.

Plus sophistiquée, la pluie d'images qui accompagne les errances de la malheureuse Judith dans "Le Château de Barbe-Bleue", du Hongrois Bela Bartok. Ouvrant successivement les portes du château derrière lesquelles son amant sulfureux cèle ses secrets, elle réveille à chaque fois un kaléidoscope chatoyant. Habituée du rôle de Carmen qu'elle porté sur toutes les scènes du monde, la mezzo française Béatrice Uria-Monzon accomplit une véritable performance dans ce rôle, maintenant une ligne de chant incandescente. L'imposant baryton-basse Willard White qui lui donne la réplique campe un Barbe Bleue aussi séduisant qu'inquiétant.

Le 30 janvier et les 4, 6, 8, 13, 16 février, tél: 08 92 89 90 90, www.operadeparis.fr