Le chant du cygne de Ian Curtis

Dans "Control", Anton Corbijn fait revivre le drame intérieur de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, miné par l'épilepsie, suicidé à 23 ans en 1980.

Plus qu'un film musical ou qu'une simple biographie filmée, "Control" est un vrai film, dramatique, mélancolique, nostalgique, en noir et blanc, sobre et crépusculaire, comme la vie désespérée de Ian Curtis, le chanteur et fondateur du groupe post-punk Joy Division, qui n'aura chanté que trois saisons.

Pour son premier long métrage, le photographe Anton Corbijn a le mérite de dépasser la vision idolâtrique de l'artiste météorique pour suivre avec sollicitude les affres du jeune homme miné par l'épilepsie, la culpabilité, la solitude. Un peu comme Gus Van Sant l'a fait dans "Last Days", sur le suicide du chanteur de Nirvana Kurt Cobain.

D'origine néerlandaise, Corbijn, grande signature de la photo et des clips de rock, collaborateur régulier de Depeche Mode ou U2, paie le tribut qu'il doit à Curtis, pour lequel il a nourri une passion qui lui a fait quitter la Hollande en 1979 pour venir s'installer à Londres. A peine débarqué, il fait des photos devenues célébrissimes de Joy Division dans le métro.

Pour le film qu'il a longtemps différé, il s'est appuyé sur ses souvenirs mais aussi sur la biographie de Deborah Curtis, la veuve du chanteur, et a eu la bonne idée de confier le rôle à l'excellent Sam Riley, acteur de théâtre et de télévision, qui outre qu'il ressemble à Curtis est aussi chanteur du groupe 10 000 Things.

Lorsque tout commence, Ian Curtis est un adolescent comme les autres, dans la banlieue postindustrielle déprimante de Manchester où il est né, fan de musique mais pas "pratiquant". Il n'a que 19 ans lorsqu'il épouse la douce Deborah, un an avant que le déclic ne produise à un concert des Sex Pistols. Création d'un premier groupe nommé Warsaw, premier concert, premier succès radiophonique, premier 45 tours, naissance d'une petite fille... tout s'enchaîne très vite jusqu'à ce que la première crise d'épilepsie ne vienne terrasser le chanteur au retour d'un concert londonien.

A partir de quoi Curtis, qui craint de perdre le contrôle sur lui-même, perd aussi le contrôle de sa vie. Mais non de son art, qu'il exerce toujours avec une voix à la violence grave, surprenante surgie d'un corps aussi malingre.

La rencontre avec la belle journaliste Annik Honoré, dont il tombe amoureux, va achever de détraquer l'équilibre mental du jeune homme qui se sent mauvais mari, mauvais père et mauvais patient et qui tout en souhaitant guérir ne fait qu'aggraver ses maux. Les crises d'épilepsie se répétant à un rythme accéléré sans espoir de guérison, Ian se voit aculé à la violence suprême, celle qu'il va exercer sur lui-même avec une sorte de jubilation, à la veille de la première tournée aux Etats-Unis, annoncée comme triomphale.

La perte pour les autres est irréparable comme en témoignent les morceaux les plus connus de Joy Division distillés tout au long du film, de "Love will tear us apart" à "Atmosphere" en passant par "She's lost control", qui a laissé son titre au film.

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