Gros plan sur la Commune 1871

C'est ni une fiction, ni un documentaire, ni du théâtre filmé, mais tout cela à la fois. Le cinéaste Peter Wartkins reconstitue dans son film "La Commune (Paris, 1871)" la parole des fédérés. Elle se construit en direct sous nos yeux. Passionnant.

Qui êtes-vous Peter Watkins? Son film, "La Commune (Paris, 1871)" sort en salle dans une version raccourcie (3h30) par rapport à la copie initiale (5h45) montrée en projection spéciale en 2000. Ce Britannique d'origine, jeune septuagénaire, est d'abord un spécialiste réputé de courts métrages et de documentaires. Son "Edvard Munch" (1973) fait référence.

Toujours très engagé, très critique contre la dérive des médias audiovisuels vers le divertissement, Peter Watkins crée l'événement en 1971 avec une vraie/fausse fiction, "Punishment Park", charge terrible contre la guerre et la politique de Nixon au Vietnam, et ses conséquences sur les opposants étasuniens.

Peter Watkins (très proche de la pensée d'Armand Gatti, fondateur du Centre international de création "La Parole errante" installé à Montreuil près de Paris) est encore et aussi le critique de la "monoforme", posture omniprésente dans le "dispositif narratif interne employé par la télévision et le cinéma commercial pour véhiculer leurs messages. [Les variantes] de la monoforme sont toutes fondées sur l'hypothèse convenue que les spectateurs sont immatures et qu'ils ont besoin de dispositifs de présentation familiers pour être 'accrochés'". Autrement dit, ajoute-t-il, "manipulés".

Pas de 'monoforme' dans cette "Commune" qui démarre, ici, le 17 mars 1871, dans le XIè arrondissement de Paris. La parole que transmettent des dizaines de comédiens, des amateurs, des voisins du lieu de tournage à Montreuil, des intermittents, est captée dans ce film de telle manière qu'elle paraît se construire sous nos yeux dans un décor de rues et d'immeubles reconstitués. On devient témoin de ce peuple de Paris qui rêve de révolution sociale, de changement de société, qui exprime ses désirs d'avenir plus égalitaire, plus libre. C'est parfois mal dit, bafouillé, ennuyeux même pour demander plus de travail, de meilleures rémunérations, plus de dignité, plus d'éducation, plus de culture... Mais ce n'en est que plus vrai ... Des revendications qui n'ont rien perdu de leur actualité.

La caméra de Watkins entre dans les chambres des habitants, dans les réunions politiques, les écoles. Il creuse plus avant son reportage dans ce passé douloureux et peu étudié en inventant dans sa propre narration ses doubles, des journalistes d'une télévision 'communale' inventée contre celle des Versaillais, la "voix de la France"! Ces journalistes interrogent dans un direct troublant les habitants du quartier, les militaires qui sont au coeur de cet événement unique.

Des cartons (textes) viennent scander le film comme pour souligner les différents actes dramatiques d'une période de notre histoire officielle mais qui ici se montre comme une enquête libre et sans âge sur les censures, les asservissements, les violences, les racismes. Watkins fait coup double en sortant de l'oubli, dans les dernières scènes, la révolte des Kabyles en Algérie qui s'est produite à la même époque que la Commune avec les mêmes répressions, les mêmes déportés vers les îles de Guyane que ceux de Paris. Le chant "Le Temps des cerises" vient alors se mélanger aux chants d'Afrique du Nord. Alors, 3h30, ce n'est pas trop long pour remettre certaines pendules à l'heure.

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