La Suisse envisage de doubler les impôts des riches étrangers

Alors que la polémique suscitée par l' "exil fiscal" de Johnny Halliday bat son plein et que la ministre de l'économie Doris Leuthard a brisé l'omerta sur les privilèges fiscaux dont peuvent bénéficier les riches étrangers s'installant dans le pays, les cantons envisagent de multiplier par deux les impôts payés par ces derniers.

L'installation de Johnny Halliday en Suisse va-t-elle accélérer une augmentation de la fiscalité imposée aux résidents étrangers? Son exil fiscal doublé d'une tribune du député PS Arnaud Montebourg dénonçant "les pratiques prédatrices des paradis fiscaux sur le continent européen" a suscité en Suisse un vif débat sur les privilèges fiscaux réservés aux riches étrangers. La classe politique suisse a rejeté dans un bel ensemble les accusations du porte-parole de Ségolène Royal, consciente que la prospérité de la confédération helvétique repose en grande partie sur le secret bancaire et sa faible fiscalité.

Mais la ministre de l'Economie Doris Leuthard a, contre toute attente, brisé l'omerta. Ces forfaits sont "en défaveur" des Suisses, car ils sont réservés aux étrangers, a-t-elle déclaré la semaine dernière à la télévision. "Il n'est pas juste", a-t-elle expliqué, que le champion de tennis Roger Federer paie dix fois plus d'impôts que Johnny Hallyday, simplement parce qu'il est Suisse et qu'il ne peut pas pour cette raison bénéficier du forfait fiscal.

Une position courageuse - en Suisse - qui revient à dénoncer la possibilité qu'ont les riches citoyens européens de se délocaliser dans un pays voisin pour bénéficier d'une fiscalité avantageuse. La position de la ministre de l'Economie tranche en effet avec le point de vue officiel qui considère que la suppression de ce forfait inciterait les riches étrangers à s'installer à Bruxelles ou à Londres. Doris Leuthard a toutefois été rappelée à l'ordre dès le lendemain lors du dernier conseil des ministres. A l'issue de cette réunion, le gouvernement a publié une déclaration affirmant son soutien "dans son ensemble" au système du forfait fiscal.

Selon le porte-parole du gouvernement suisse, Oswald Sigg, quelque 3.600 étrangers bénéficient du forfait fiscal en Suisse. Plus de la moitié de ces privilégiés habitent en Suisse romande, dans la région de Genève et de Lausanne. Ces riches contribuables, que l'on surnomme aussi quelquefois les "réfugiés fiscaux", ont payé en 2004 quelque 260 millions de francs suisses (163 millions d'euros) d'impôts en Suisse, dont une grande partie tombe dans les caisses des cantons où ils résident. Chaque canton décide librement les conditions d'attribution de ces forfaits.

Mais c'est précisément ce système qui pourrait bientôt évoluer. Selon les déclarations effectuées ce matin par le secrétaire de la Conférence des directeurs cantonaux des finances, Kurt Stalder, les cantons voudraient mettre en oeuvre un doublement des sommes rapportées par ce forfait fiscal. En fin de semaine, leurs administrations vont discuter de la décision de principe d'un tel doublement. Cela reviendrait à faire passer la somme moyenne de 47.000 euros payée par chaque étranger à 94.000 euros. Reste que, même si les représentants des cantons tombent d'accord sur ce principe, la décision ne pourra en aucun cas être contraignante. Les cantons n'hésitent pas, en effet, à se faire concurrence entre eux pour attirer les riches étrangers sur leur territoire.

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