La conscience d'un skateur

Dans "Paranoid Park", Gus van Sant filme avec maestria, de l'intérieur, le cas d'un jeune skateur qui tue accidentellement un agent de sécurité. Images et sons contribuent à une plongée en apnée dans la conscience du meurtrier malgré lui, irrémédiablement lesté par un poids énorme.

A 55 ans, Gus van Sant surprend toujours par son aptitude à capter les vibrations de la jeunesse. Après "Elephant" (palme d'or à Cannes 2003), sur un massacre dans un lycée américain, et "Last days", sur le leader suicidé de Nirvana Kurt Cobain, il évoque le cas de conscience d'un jeune skateur qui tue accidentellement un agent de sécurité. Va-t-il ou non se dénoncer à la police? Telle est la question en suspens pendant tout le film. Sous ses airs documentaires, "Paranoid Park" , tiré du roman de Blake Nelson, soulève une problématique morale à la hauteur d'un roman de Dostoïevski ("Crime et châtiment"), magnifiquement actualisé et porté à l'écran.

L'image, signée Chris Doyle (le chef opérateur de Wong Kar Wai), est pour beaucoup dans les qualités plastiques de ce nouvel opus tourné en super 8 et en 35 mm par le maître de Portland, qui a obtenu le prix du 60ème anniversaire du Festival de Cannes. De même la bande son, très soignée, représente de véritables paysages sonores en rapport avec les situations évoquées. La narration, quant à elle, est traitée avec une grande liberté par Gus van Sant qui n'hésite pas à aller et venir dans le temps, ni à répéter certains épisodes significatifs mais vus sous un autre angle. Le tout est mixé avec une maestria époustouflante, plongeon dans les profondeurs d'une conscience comme on en voit rarement au cinéma.

Alex est un skateur de 16 ans dégingandé et mutique, à l'air perpétuellement fatigué, la casquette à l'envers toujours vissée sur la tête. C'est un skateur très moyen qui ne prend pas de risques, empêtré dans une relation compliquée avec sa petite amie qui n'a de cesse de se faire déniaiser. Bref un garçon tout ce qu'il y a plus de conforme à la jeunesse moyenne américaine, propre sur elle, gavée de fast-food.

Un jour, un camarade de lycée plus hardi que lui l'entraîne sur une piste de skate de mauvaise réputation, connue de surcroît pour être très difficile. Alex est épaté par cet autre monde qu'il découvre grouillant de zonards, de junkies, de casse-cous qui n'ont rien à perdre sur cette piste qu'ils ont construite illégalement sous l'autoroute et où ils évoluent comme des poissons dans l'eau.

Revenu seul à Paranoid Park, Alex entame une amitié avec un garçon drôlement déluré qui le conduit dans une folle aventure: grimper à la volée dans un de ces trains de marchandises qui passent non loin de là, histoire d'aller boire une bière de l'autre côté du pont. Lorsqu'un vigile surgi de la nuit les alpague, Alex se défend d'un coup de skateboard et c'est l'accident mortel.

Avec beaucoup de sang froid malgré la panique, le garçon fait disparaitre toute trace de la catastrophe involontaire et décide de n'en rien dire. Reste le plus difficile: vivre avec un tel poids sur la conscience, l'image du vigile atrocement mutilé repassant en boucle dans sa tête. D'autant qu'un policier perspicace resserre son étau autour de lui.

Alex se retrouve isolé, à des années lumières de ses camarades de classe et de sa petite amie, dont les préoccupations lui semblent bien futiles. Suffit-il, comme le suggère une des ses copines fine mouche, d'écrire noir sur blanc l'expérience pour s'en délester? C'est ce que va tenter Alex. Mais il n'est pas sûr du tout que ce soit la solution miracle...

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