Brad Pitt en Jesse James : l'idole renversée par son adorateur

"L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford", un western mélancolique, grandiose et inspiré d'Andrew Dominik. La relation d'amour-haine entre le fameux gangster et son assassin est incarnée par un duo d'acteurs hors-pairs, Brad Pitt et Casey Affleck.

Pour un deuxième film (après "Chopper", en 2000, qui déjà traitait du plus grand criminel australien), c'est un chef d'oeuvre que livre le Néo-zélandais Andrew Dominik. Une superproduction au long cours (2h40), plus film psychologique que film d'action, situé dans les grands espaces vides des Etats-Unis, dans meilleure la veine d'Hollywood, de John Ford à Terence Malick.

Outre les qualités quasi hypnotiques des images, le film, tiré du roman éponyme de Ron Hansen, offre deux grandes prestations d'acteurs. L'un, superstar, Brad Pitt (également coproducteur du film avec Ridley Scott)) y apparaît sous un jour sombre, mélancolique qui lui a valu la coupe Volpi du meilleur acteur au Festival de Venise pour son interprétation du mythe vivant que fut Jesse James.

L'autre, véritable révélation, Casey Affleck (ne pas confondre avec son frère Ben), extraordinaire dans le rôle du jeune homme veule qui l'assassina pour l'avoir trop aimé. Non content de nous renseigner sur la réalité du fameux hors-la-loi et de faire la part de la légende, le film dit en filigrane quantité de choses sur les névroses congénitales de la nation américaine.

Quand le film commence, en 1881, Jessie James est à 34 ans l'une des premières stars médiatiques américaines, sudiste marqué dans son esprit et son corps (il fut fouetté) par la défaite des siens pendant la guerre de Sécession. S'ils font trembler bourgeois et banquiers, ses braquages suscitent l'admiration des petits propriétaires qui y voient une revanche sur les politiciens du nord. Les journaux relatent par le menu ses attaques de banques, de diligences et de trains, et des romans à quatre sous en rajoutent sur ses hauts-faits.

Pour autant Jesse n'est pas un homme heureux, cyclothymique solitaire passant de la violence à l'abattement, asocial paranoïaque cultivant le goût du secret, il mène une double vie. De jour, il vit comme un dandy respectable avec sa femme et ses enfants (à qui il néglige d'expliquer pourquoi ils doivent déménager sans arrêt à travers le Missouri). De nuit, il se métamorphose en gangster sanguinaire, entouré d'une clique de desperados qui se bousculent pour avoir ses faveurs.

Parmi lesquels son frère Frank, son cousin et d'autres acolytes avec qui il entretient des relations hypertendues, objets de suspicions et de règlements de comptes incessants. La récompense promise pour la capture de Jesse étant bien plus élevée que les gains que ses comparses peuvent espérer de leurs braquages, c'est la peur qui les retient d'aller se confesser auprès du sheriff le plus proche.

Le plus fervent admirateur de cette superstar avant l'heure est un garçon à l'air simplet et à la mine chafouine nommé Robert Ford. La tête remplie de ses exploits qu'il a dévorés dans les publications bon marché, celui-ci semble n'avoir qu'une volonté : s'approcher de Jesse qu'il vénère comme un Dieu. Lorsqu'il y parvient enfin, avec son frère Charley, c'est pour entrer à son service, sous son toit.

Mais le désir de ressembler à Jesse le dispute à celui d'être lui, d'entrer dans sa peau. Cette proximité devient source de souffrance pour le jeune homme qui n'y verra d'autre issue qu'en abattant son dieu. De dos, comme pour accomplir une malédiction. Il n'y gagnera qu'une sinistre célébrité de lâche assassin, bien loin de celle escomptée.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.