Crise du subprime : il fallait regarder les spreads de taux

Avant la crise financière, la structure des taux d'intérêt ne reflétait pas les risques supportés par les investisseurs. Les spreads de taux étaient notamment trop resserrés. Et puis tout a basculé.

Lorsqu'un investisseur souhaite placer ses fonds dans un instrument sans risque, il choisit généralement des obligations d'état et plutôt des emprunts émis par son propre pays pour ne pas supporter un risque de change. En situation normale, il peut prêter son argent à divers taux d'intérêt en fonction d'une durée variant de trois mois à trente ans.

A priori, le taux d'intérêt sera plus important à trente ans qu'à trois mois puisqu'il immobilise son patrimoine pendant plus longtemps. Cependant, il peut céder ses titres sur le marché s'il a un besoin urgent de liquidité. Dans ces conditions, il risque de ne pas retrouver exactement la totalité de son capital. Si les taux d'intérêt de son pays ont monté, la valeur des titres obligataires aura diminué pour refléter ce mouvement de taux.

En revanche, si les taux d'intérêt de son pays ont baissé, la valeur des titres obligataires sera plus importante. On le voit, l'investissement dans des titres d'état permet de retrouver son capital à l'échéance mais entre-temps, la valorisation de ce capital est soumise à l'évolution des taux d'intérêt.

Un investisseur plus ambitieux peut chercher, toujours sur les marchés du crédit, à obtenir un rendement supérieur aux emprunts d'état. Dans ces conditions, il va s'intéresser aux obligations d'entreprises, voire aux obligations foncières, voire à d'autres types de dettes négociables.

La grande différence entre un état souverain d'un pays développé et une entreprise du même pays est que le premier peut lever l'impôt, généralement comme bon lui semble. Une entreprise ne peut compter que sur le talent de ses équipes et la pertinence de ses produits pour réaliser des profits et rembourser ses créanciers. C'est un risque qui se traduit par un taux d'intérêt plus important que celui des emprunts d'état.

L'écart entre ces deux taux d'intérêt ("spread" en anglais) représente deux choses : l'espérance mathématique du risque de défaut de l'emprunteur pendant la durée du prêt (il peut éventuellement faire faillite) et la prime de liquidité (un emprunt d'état se négocie plus facilement). Il s'exprime en "point de base", un point représentant 0,01%.

Généralement, plus les spreads de taux sont importants, plus le risque d'un défaut de paiement est grand. A l'inverse, lorsque les spreads de taux sont minimes, le risque de défaut est moins important.
Il y a six mois, les spreads de taux étaient très contractés. Selon l'indice iTraxx Crossover Index à 5 ans, qui représente les spreads de 50 grandes entreprises européennes, les taux des emprunts de ces dernières étaient en moyenne supérieurs de 200 points de base aux emprunts d'état à cinq ans.

Les mêmes conditions prévalaient pour d'autres type d'emprunteurs, notamment les sociétés spécialement créées pour réaliser des achats d'entreprises par effet de levier financier ( "Leveraged buyout" ou LBO) et les multiples obligations issues de la titrisation de créances hypothécaires américaines, dont les fameux CDO ("collaterized debt obligation").

A partir de la mi-juin, l'indice iTraxx Crossover Index à 5 ans a commencé à monter et le mouvement s'est accéléré fin juillet jusqu'à représenter un spreads de taux de plus de 400 points de base. A ce niveau, cela voulait dire que le marché tablait sur un taux de défaut de 28% sur les cinquante entreprises qui composent l'indice. Et on ne parle pas là de petites sociétés mais, entre autres, de British Airways, Alcatel, Havas ou Cap Gemini.

En réalité, plus qu'une espérance de défaut sur de belles entreprises, la vive augmentation des spreads de taux a reflété une soudaine aversion au risque. En d'autres termes, si le risque n'était pas correctement rémunéré il y a six mois, il est devenu trop cher fin juillet. Si les choses sont un peu rentrées dans l'ordre après le 15 août, l'aversion demeure comme en témoigne la baisse des taux d'intérêt constatée sur les emprunts d'état à court terme, notamment aux Etats-Unis.

De peur d'avoir investi dans des sicav monétaires qui auraient réalisé de mauvais investissements dans les CDO, certains investisseurs demandent le remboursement de leur part pour acheter des bons du trésor américain. Ce processus n'est pas terminé et il se poursuivra tant que le flot de mauvaises nouvelles ne sera pas tari (faillite de fonds mutuels ou d'organisme de crédit). Cependant, toute crise apporte son lot d'opportunités et la dislocation apparue sur les spreads de taux en est assurément une.

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