La Fed pourrait entraîner la BCE dans la voie de l'assouplissement monétaire

Alors que la Réserve fédérale américaine a abaissé son taux d'escompte d'un demi point à 5,75% vendredi, les yeux sont rivés sur la prochaine réunion monétaire de la Banque centrale européenne. Nombre d'économistes doutent désormais d'un relèvement des taux, comme l'avait pré-annoncé Jean-Claude Trichet le 3 août.

Si l'on en croit les économistes et les marchés à terme, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait bien revenir sur sa décision de relever une nouvelle fois ses taux en septembre. Son président Jean-Claude Trichet était intervenu le 3 août pour indiquer qu'il fallait observer une "très grande vigilance" à l'égard de l'inflation, signe précurseur -et en théorie infaillible- d'un tour de vis supplémentaire des taux lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs à Francfort le 6 septembre.

Mais bien des choses ont changé depuis le début du mois, entre la tempête qui a secoué les marchés financiers pendant la première quinzaine d'août et l'abaissement du taux d'escompte de la Réserve fédérale (Fed) à la veille du week-end. De plus, la croissance a ralenti à 0,3% dans la zone euro au deuxième trimestre, après 0,7% au premier.

Nombre d'économistes jugent désormais que les conditions de crédit se sont resserrées dans la zone euro en dépit des injections de liquidités auxquelles a procédé la BCE et ils pensent qu'elle voudra prendre le temps de mesurer l'impact de la crise. La réduction du taux d'escompte américain décidée vendredi par la Fed, et la possibilité d'une baisse subséquente de son taux des fed funds, rendent aussi un tour de vis plus improbable dans la zone euro, ajoutent-ils.

"Il y a eu un changement spectaculaire de contexte depuis que le conseil des gouverneurs a employé l'expression 'grande vigilance' le 3 août", écrit ainsi Julian Callow, économiste de Barclays Capital, dans une note. "Nous pensons par conséquent que la BCE va repousser une hausse de son taux refi jusqu'à ce que le système financier ait retrouvé un fonctionnement plus normal". Deutsche Bank, JP Morgan et Commerzbank sont aussi revenues sur leur pronostic d'un relèvement du taux refi à 4,25% et d'autres admettent plus d'incertitude dans leurs prévisions.

Déjà, une enquête Reuters publiée le 14 août avait montré que 63 des 65 économistes interrogés anticipaient toujours une hausse de taux de 25 points de base en septembre, mais avec une probabilité qui a baissé à 75% contre 90% lors de la précédente enquête deux semaines plus tôt. Par ailleurs, les anticipations pour les taux d'intérêt mesurées par les contrats sur l'Eonia, le taux au jour le jour dans la zone euro, ne montrent plus qu'une probabilité de 25% d'une hausse en septembre et révèlent une probabilité de 20% pour une baisse de taux avant avril.

Holger Schmieding, chez Bank of America, note que les fondamentaux économiques restent sains dans la zone euro et ajoute que la BCE doit être consciente qu'un statu quo surprise en septembre pourrait perturber encore plus les marchés qui se sont habitués à sa communication bien huilée. Cet économiste continue donc d'anticiper une hausse de taux le 6 septembre même s'il en situe dorénavant la probabilité à 60%, contre 95% il y a deux semaines.

Même chose pour Sylvain Broyer, chez Ixis-Cib, qui estime difficile un retour en arrière de la BCE. "Si les marchés se stabilisent d'ici là, il n'y a vraiment aucune raison pour que l'institution renonce à un relèvement des taux", indique-t-il. Et par la suite, des relèvements supplémentaires semblent beaucoup moins probables, compte tenu des fondamentaux économiques. "En théorie, le taux de refi devrait être de 4,5%, mais c'est surtout en raison de l'importance de la masse monétaire M3", argumente l'économiste.

"En revanche, si les turbulences persistent, le report de la hausse des taux en octobre serait un signal fort pour restaurer la confiance sur les marchés", ajoute Sylvain Broyer. C'est dont les oscillations des indices boursiers qu'il va falloir suivre avec la plus grande attention dans les prochaines semaines.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.