Un siècle de Mafia

Dans "Cosa Nostra", le britannique John Dickie raconte l'histoire centenaire de la Mafia sicilienne. Il analyse l'organisation, les méthodes et les rivalités de cette organisation criminelle et dresse de superbes portraits des rares opposants de la "pieuvre".

Cosa Nostra. Deux mots mystérieux et inquiétants, synonymes de meurtre, de racket, d'extorsion de fonds, de trafic d'héroïne. Et bien sûr de corruption et de collusion avec le pouvoir politique. C'est l'histoire de ce cocktail détonnant qu'explore le britannique John Dickie dans une passionnante enquête sur la Mafia sicilienne. Il met en évidence la continuité historique du phénomène mafieux, depuis ses débuts en 1860 autour des plantations d'agrumes de la province de Palerme et des mines de soufre d'Agrigente jusqu'à l'arrestation du dernier grand parrain Bernardo Provenzano en avril 2006 au lendemain de la victoire électorale de Romano Prodi.

Son analyse est en permanence ponctuée de portraits de chefs de clans et d'anecdotes qui permettent de comprendre l'enracinement de la Mafia en Sicile. Il explique aussi comment l'industrie du crime a été exportée aux Etats-Unis et détaille l'ascension de la famille des Corléonais qui prirent la tête de Cosa Nostra au terme d'une sanglante guerre des gangs.

Une minorité vertueuse

Dickie rappelle avec justesse que c'est grâce au courage et à la ténacité de certains enquêteurs - cette "minorité vertueuse" - qu'on peut aujourd'hui comprendre l'évolution de cette organisation ultra secrète: un chapitre remarquable est consacré au préfet Sangiorgi qui dresse un portrait complet de la mafia dés 1900. Autres figures marquantes: Joe Petrosino, l'incorruptible inspecteur de police de New York abattu dans les rues de Palerme en 1909, ou le "préfet de fer" Cesare Mori dont les opérations quasi militaires en Sicile sont révélatrices des ambiguïtés de la répression fasciste contre le crime organisé.

Mais c'est aux juges Falcone et Borsellino (sauvagement assassinés en 1992) qu'il revient d'avoir frappé un grand coup en utilisant les témoignages des premiers repentis, notamment celui du fameux "boss des deux mondes" Tommaso Buschetta, dont les révélations ont permis la tenue du maxi procès de 1987. L'étude de John Dickie analyse enfin les récents développements de la lutte anti-mafia et la réaction civique des Italiens face à la violence criminelle. Un ouvrage qui offre un bon complément au classique "Histoire de la Mafia" de Salvatore Lupo, disponible en poche (Flammarion, collection Champs).


"Cosa Nostra. L'histoire de la Mafia sicilienne de 1860 à nos jours", de John Dickie. Editions Buchet Chastel, 500 pages, 25 euros.

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