L'histoire se passe quelques années après la guerre de Sécession. Une jeune femme, Eliza, irlandaise d'origine, est à la recherche de son petit frère Jeremiah, un enfant soldat comme en cette année 1867 il y en a tant qui rôdent de par les chemins qui mènent au grand Ouest américain.

De son côté, l'instable gouverneur d'un Etat fictif - le Territoire des montagnes qui pourrait être le Montana - James O'Keefe , recueille un adolescent devenu sauvage à force d'errance et de souffrance. Ce gouverneur alcoolique et brutal, un ancien terroriste irlandais d'abord exilé en Tasmanie par les Britanniques, puis courageux combattant aux Etats-Unis avec les Nordistes, cherche à retrouver les faveurs de Lucia son épouse. Mais l'arrivée de Jeremiah ne produit pas les effets attendus. Leur destin bascule soudainement.

Plus que les sentiments et les effusions, ce sont les décors et les personnages de cette passionnelle tragédie qui dominent, y compris les rôles secondaires, bandits, prostituées, indiens, poètes et errants de tout poil.

Joseph O'Connor, né à Dublin en 1963, confirme ici qu'il figure parmi les plus grands écrivains anglo-saxons actuels. Les immenses étendues de plaines et de montages sauvages battues par les vents sont la réplique naturelle des tempéraments des héros: taciturnes, romantiques, enchevêtrés, ils se rapprochent les uns des autres sans jamais vraiment être liés. Dans ce bout du monde étrange, chacun joue de sa folie, victime inconsciente des horreurs d'une guerre sans pitié.

Ecrit d'une plume alerte, c'est là un roman puissant, entre récit picaresque et fresque flamboyante. Un de ces livres que l'on tient à faire connaître.


"Redemption Falls" par Joseph O'Connor, traduction de Carine Chichereau, Editions Phébus, 574 pages, 23,50 euros