Les sociaux-démocrates allemands risquent de faire capoter la privatisation de Deutsche Bahn

Le congrès du parti social-démocrate allemand (SPD), ce wek-end, s'est enflammé lors du débat sur la privatisation de l'opérateur ferroviaire allemand. Un compromis a été voté avec la base qui semble difficile à faire accepter à la CDU et pourrait ainsi faire échouer le projet.

La privatisation de Deutsche Bahn paraît plus que jamais compromise. Lors du congrès fédéral du parti social-démocrate (SPD) qui s'est tenu ce week-end à Hambourg, la majorité des délégués est tombée d'accord pour exiger l'introduction en bourse de l'opérateur ferroviaire allemand via l'émission d'actions sans droit de vote. Au cas où il ne serait pas possible d'imposer un tel modèle au partenaire de la coalition, la CDU, un congrès sera convoqué pour débattre à nouveau sur le principe de la privatisation.

"Le SPD a envoyé un signal clair : la privatisation, oui, mais à condition de le faire via l'émission d'actions sans droit de vote. La direction du SPD va aller à la table des négociations (avec la CDU) avec ce mandat", a déclaré à La Tribune le ministre des transports, Wolfgang Tiefensee, en marge des débats. Ce dernier s'est dit convaincu de parvenir à un accord avec le parti allié. Mais cela paraît en réalité bien peu probable. Dès ce week-end, le parti d'Angela Merkel a critiqué la résolution du congrès du SPD comme un "pas en arrière" susceptible de faire échouer l'ensemble du projet de privatisation de la compagnie ferroviaire.

Ce projet divise profondément le parti de gauche de la coalition. Cela s'est rapidement fait ressentir samedi lors des débats publics en plein congrès. Un compromis soumis au vote des délégués par la section berlinoise du parti stipulait que l'introduction en bourse de Deutsche Bahn était liée à la condition exclusive de l'émission d'une première tranche de 25,1% du capital sous la forme d'actions sans droit de vote, autrement désignées "actions populaires" outre-Rhin.

Il s'agit selon les partisans d'un tel concept d'éviter que Deutsche Bahn soit à la merci d'investisseurs privés pouvant influencer la stratégie du groupe, en rognant par exemple sur des dessertes sur le territoire allemand. Comme pas moins de trente-deux délégués s'étaient inscrits pour prendre la parole, leur temps d'intervention devait se limiter à trois minutes. Peu s'y sont tenus. Passant en huitième position, l'ancien député Peter Conradi s'est prononcé purement contre la privatisation de l'opérateur ferroviaire. Et s'est taillé un beau succès à l'applaudimètre en concluant "la Bahn doit rester sur les rails, pas aller en bourse".

Fraîchement élu la veille avec 95,5% des suffrages, le leader du parti Kurt Beck pouvait dès lors craindre pour son autorité en cas de mise en échec complet du projet de privatisation par la base. Aussi, son intervention impromptue samedi pour faire taire la polémique a permis d'aboutir à un compromis, certes difficile à faire accepter à l'allié CDU, mais qui lui permet un temps de sauver la face.

Quelques instants auparavant, la direction du parti avait déjà essuyé deux camouflets. Contre sa volonté, les délégués de la base ont pu faire aboutir à une courte majorité une résolution visant à exiger la limitation à 130 km/h de la vitesse sur autoroute. En outre, le privilège fiscal pour les voitures de fonction doit être abrogé. Mais devant l'opposition de principe de la CDU/CSU et du lobby automobile, ces résolutions ont guère de chances de devenir un projet gouvernemental.

Kurt Beck avait signalé que ce congrès du SPD serait "historique", en adoptant un nouveau programme fondamental, après ceux de Godesberg en 1959 et de Berlin en 1989, arrêté juste après la chute du Mur et devenu obsolète. Le nouvel opus souligne la fonction de l'Etat comme protecteur des intérêts des individus. Ce qui peut donner l'impression que les réformes de l'Agenda 2010 dictées en 2003 par l'ancien chancelier Gerhard Schröder, en revenant sur les acquis de l'Etat providence et exigeant de forts sacrifices au citoyen, doivent demeurer un épisode dans la vie du parti.

Dès vendredi, le congrès a par ailleurs adopté sans débat un programme de neufs mesures sociales opérant un virage à gauche. Ficelé en amont par la direction du parti, ce programme prévoit principalement l'allongement de la durée d'indemnisation des chômeurs âgés, de 18 à 24 mois. Une mesure qui a été imposée malgré l'opposition d'avant congrès du ministre du travail et vice-chancelier, Franz Müntefering. Autre point, l'assouplissement des conditions de départ à la retraite à 67 ans, en permettant le départ à 60 ans si l'emploi ne peut être poursuivi pour raisons de santé. Des moyens financiers supplémentaires, 1 milliard par an entre 2008 et 2001, doivent permettre à l'Agence fédérale pour l'emploi de mieux placer les chômeurs âgés sur le marché du travail. Par ailleurs, un salaire minimal unique doit être instauré dans la branche du travail temporaire afin de combattre les pratiques de dumping social.

L'ensemble de ces sujets seront prochainement discutés au sein de la coalition dirigée par Angela Merkel. Qu'ils aboutissent à un programme de gouvernement est une tout autre histoire.

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